Ancien soutien d’Alpha Condé, l’homme d’affaires Thierno Madiou Barry a reçu l’aval du ministère des mines pour évincer l’Emirati Butti Mohamed al-Qubaisi de leur partenariat dans la bauxite, malgré l’intervention de l’ambassadeur d’Abou Dhabi. Reste que les nouveaux partenaires qu’il affirme avoir trouvés – Citibank, CRCC et CCECC – se font très discrets sur le dossier.
Malgré son passé de cacique du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG, l’homme d’affaires Thierno Madiou Barry, alias Barry Angola, est dans les petits papiers de la junte du colonel Mamadi Doumbouya.
Le patron de Kebo Energy – qui doit son surnom à son incursion réussie dans le secteur de la boulangerie à Luanda – a reçu le soutien du ministre guinéen des mines, Moussa Magassouba, dans le conflit qui l’oppose à son partenaire émirati Butti Mohamed al-Qubaisi.
3 milliards de dollars d’investissement nécessaires
Barry Angola s’était associé en 2019 avec la société d’al-Qubaisi, Mirage Development, à travers la coentreprise Mirage Kebo Energy, enregistrée à Abou Dhabi, pour développer un projet d’extraction de bauxite dans les préfectures de Gaoual et Télimélé (à 250 km au nord-est de Conakry, ainsi qu’une voie ferrée dédiée et un port minéralier à Dobaly, sur la côte atlantique.
En dépit de l’intervention en mai 2022 auprès des autorités guinéennes de Khaled Ali Rabeea Ali al-Hosani, l’ambassadeur des Emirats arabes unis à Conakry, en faveur de son compatriote al-Qubaisi, le ministre guinéen des mines a considéré le 28 octobre que l’homme d’affaires émirati n’avait pas démontré sa capacité technique et financière à faire avancer le projet, qui nécessite plus de 3 milliards de dollars d’investissement dans sa première phase. Il a rétabli Kebo Energy comme seul pilote du projet.
Changement de bord politique
C’est désormais au tour de Barry Angola de démontrer au ministère des mines qu’il a les moyens de parvenir à l’entrée en exploitation du complexe minier. L’homme d’affaires guinéen, qui a, dans les jours suivant le coup d’Etat du 5 septembre 2021, démissionné du RPG et proclamé son soutien au Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), affirme être soutenu financièrement et techniquement par la banque américaine Citi (anciennement Citibank) et par les sociétés chinoises de BTP China Railway Construction Corp (CRCC) et China Civil Engineering Construction Corp (CCECC).
Contacté, le bureau londonien de Citi, où le sujet est suivi par deux cadres dédiés aux ressources naturelles et minières, Marie-Christine Olive et William Husband, ne dément pas être en contact avec Kebo Energy, mais sans donner plus de détails sur son implication. Chez CCECC, où le dossier est géré par le directeur général de la filiale guinéenne, Liu Changsong, on confirme avoir réalisé une étude de faisabilité pour la réalisation d’un chemin de fer, remise à Thierno Barry fin décembre 2022. Mais le mystère reste entier sur le financement de cette infrastructure de 162 km, chiffrée par la compagnie étatique chinoise à près de 950 millions de dollars.
Acheteurs chinois mystérieux
La clé de l’énigme sur le financement global du projet de Kebo Energy réside dans les accords noués avec les acheteurs chinois de bauxite à qui Barry Angola, connu pour ses talents de bateleur, a promis de livrer de 38 à 52 millions de tonnes de minerai par an à partir de 2024. Mais le patron guinéen, joint par Africa Intelligence, refuse pour l’instant d’en révéler les noms. Ses courriers au ministère des mines évoquent le chiffre d’investissement mirifique de quelque 35 milliards de dollars pour l’ensemble du projet minier intégré – avec, au-delà de la première phase, notamment deux raffineries d’alumine et une usine de production d’aluminium et les centrales électriques attenantes. Un chiffre jamais atteint pour un projet de ce type en Guinée ou même sur le continent.
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