Le président du Burundi Pierre Nkurunziza a annoncé jeudi qu’il ne sera pas candidat à sa succession en 2020, une surprise de taille au moment où le pays vient d’adopter une nouvelle Constitution lui permettant de se maintenir au pouvoir jusqu’en 2034.
« Notre mandat s’achève en 2020 », a déclaré le chef de l’Etat de 54 ans dans un discours prononcé en kirundi dans la localité de Bugendana (province de Gitega, centre), devant plusieurs milliers de personnes, les autorités du pays et le corps diplomatique.
Lors de sa réélection controversée en juillet 2015, il avait promis que ce serait son dernier mandat. « En tant que Guide du CNDD-FDD (parti au pouvoir), je voudrais annoncer que je ne reviendrai pas sur ma parole », a-t-il affirmé jeudi.
En décembre 2016, il avait toutefois annoncé qu’il pourrait se représenter pour un nouveau mandat « si le peuple le demand(ait) », une rhétorique similaire à celle employée par le président du Rwanda voisin, Paul Kagame, réélu en août 2017 après lui aussi avoir fait modifier la Constitution.
Le Burundi est plongé dans une grave crise politique depuis l’annonce de la candidature de M. Nkurunziza à un troisième mandat, en avril 2015.
Les violences qui ont accompagné cette crise ont fait au moins 1.200 morts et plus de 400.000 réfugiés entre avril 2015 et mai 2017, d’après les estimations de la Cour pénale internationale (CPI), qui a ouvert une enquête.
L’annonce de jeudi a d’autant surpris tout le monde que M. Nkurunziza venait de promulguer la nouvelle constitution adoptée le 17 mai par référendum.
Cette réforme ouvrait la possibilité au chef de l’Etat, au pouvoir depuis 2005, de briguer deux mandats de sept ans à partir de 2020 tout en renforçant ses pouvoirs.
« La nouvelle Constitution n’a pas été taillée sur mesure pour Pierre Nkurunziza comme le disent nos ennemis », a déclaré jeudi l’intéressé.
« En ce qui me concerne, je me prépare à soutenir de toutes mes forces (…) le nouveau président que nous allons élire en 2020 », a-t-il assuré.
– Endormir l’opinion? –
Reste à savoir désormais si M. Nkurunziza se conformera à sa promesse.
« La parole de Pierre Nkurunziza, un homme qui vient d’enterrer l’Accord d’Arusha et la Constitution de 2005, ne vaut rien! La promesse de partir en 2020 est une vaste blague pour endormir l’opinion », a réagi par téléphone à l’AFP Pancrace Cimpaye, le porte-parole de la principale coalition d’opposition, la Cnared.
Pour ses critiques, ce référendum a cassé l’équilibre politico-ethnique garanti par l’accord de paix d’Arusha, signé en 2000.
Cet accord avait ouvert la voie à la fin de la guerre civile (plus de 300.000 morts entre 1993 et 2006), en instaurant un système de partage du pouvoir entre les deux principales ethnies, Hutu et Tutsi.
Grand sportif amateur de football, chrétien évangélique « born again » prosélyte et ancien chef rebelle, Pierre Nkurunziza est convaincu que son autorité est d’essence divine, rendant parfois ses décisions imprévisibles pour les observateurs.
L’annonce de jeudi est « un joli coup politique », a estimé l’un d’eux, un diplomate en poste au Burundi.
« Reste à savoir à quel point il est sincère car c’est lui qui a lancé toute cette histoire de révision de la Constitution en expliquant qu’il était prêt à se représenter si la population le lui demandait », a ajouté le diplomate sous couvert de l’anonymat.
« Après trois ans de blocage autour du troisième mandat et de sanctions, la situation socio-économique du pays est grave. Nkurunziza avait besoin d’offrir quelque chose à la communauté internationale pour tenter de ramener les financements », a-t-il encore estimé.
Fin mai, l’envoyé spécial de l’ONU pour le Burundi, Michel Kafando, avait lancé un appel aux autorités de Bujumbura pour relancer le dialogue interburundais, seul moyen selon lui de mettre un terme à la crise que traverse le pays.
Avec AFP