Une action qui constitue le prolongement de la protestation de Guinéens contre ces élections qu’ils jugent entachées de fraudes massives. Dans la foulée et comme pour mieux resserrer l’étau de la répression, le pouvoir de Conakry a confiné le chef de file de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, chez lui, l’empêchant ainsi de mener cette manifestation qui met une fois de plus en exergue les nombreux coups de canif portés au processus démocratique sous l’ère Alpha Condé. Quel est le seuil de morts que se fixe le système Condé pour arrêter le massacre?
De plus en plus frileux alors que de nombreux observateurs lui prêtent la volonté de viser un troisième mandat, Alpha Condé qui a longtemps été le poil à gratter des pouvoirs qui se sont succédé à Conakry, ne veut plus entendre parler de manifestations de rue. Pourtant, c’est cette casquette d’opposant historique qui lui a servi à gérer pendant longtemps cette même rue, pour accéder enfin à la magistrature suprême et accomplir même deux mandats. Dire que l’homme a la mémoire courte serait pur euphémisme car Alpha Condé en tant qu’ancien opposant sait mieux que quiconque que la rue, lorsque toutes les autres voies de recours sont bloquées, demeure le seul et unique moyen pour l’opposition de se faire entendre et de faire entendre raison aux dirigeants sourds aux suppliques du peuple.
Malheureusement, le pouvoir révélant l’homme, Alpha Condé qui devient coutumier du fait, muselle son opposition et s’érige en «père de la nation» qui détient droit de vie et de mort sur ses sujets. Comme un loup qui s’est longtemps caché dans la peau d’un agneau pour faire intrusion dans la bergerie, le président guinéen s’est introduit frauduleusement dans un processus démocratique guinéen qui marquait plus ou moins le pas, secoué par des crises d’envergure comme l’irruption de l’armée dans l’arène politique. De Feu Lansana Conté, président de la République de 1984 à sa mort en 2008, à Sékouba Konaté, en passant par le remuant capitaine Moussa Dadis Camara, les militaires qui se sont succédé au pouvoir après le long règne du «Guide éclairé», Sékou Touré, n’ont pas tous fait que du bien à la Guinée.
Si les Guinéens pensaient avoir conjuré le mauvais sort avec l’avènement de Alpha Condé, ancien condamné à mort par contumace en 1970 par Sékou Touré, il faut dire qu’ils sont en plein désenchantement. Surtout avec l’ambition prêtée, à tort ou à raison, à l’opposant devenu président sur le fil, grâce à un second tour miraculeux de l’élection présidentielle du 7 novembre 2010, et réélu en octobre 2015. En tout cas, Alpha Condé confirme la légende qui fait des anciens opposants africains, des chefs de l’Etat prédateurs de la démocratie.
Par Wakat Séra