Après une expérience de 4 mois au FC Mulhouse en National 2, Ismaël Bangoura est à la recherche d’un nouveau club. À 35 ans, l’ancien international guinéen aux plus de 100 matchs en Ligue 1 évoque avec nous une carrière riche, parfois tumultueuse, de la grande époque du Mans à l’imbroglio avec le FC Nantes. Entretien.
Comment se sont passés ces derniers mois entre le confinement et votre départ de Mulhouse ?
Pour le moment ça ne va pas très fort, je suis en recherche. Je m’entraîne régulièrement tous les matins puis j’attends de voir quelque chose pour rebondir. Ces derniers mois n’ont pas été faciles du tout, le confinement a bloqué plein de choses et ça n’a rien arrangé. La situation est entre les mains de mon agent historique, celui qui m’a fait signer au Mans. A l’heure actuelle je préfère rester en France, en Ligue 2 ou dans un club de National.
Comment avez-vous vécu cette expérience en National 2, quel bilan en tirez-vous ?
Tout avait bien commencé ! Après par rapport à ce que j’ai connu par le passé, ça n’a rien à voir. C’est tellement difficile à jouer. C’est un niveau que je viens de découvrir. Ça m’a donné une bonne expérience aussi de passer par-là. Dans une carrière, il a des hauts, il y a des bas.
Revenons plusieurs années en arrière. Comment la passion du football vous est venue ?
Le football c’est ma passion. Quand j’étais gamin, j’ai tout abandonné pour le football, notamment l’école. Dans ma tête j’étais uniquement concentré sur le football, soit ça passe soit ça casse. Je me suis mis à travailler avec sérieux, j’ai écouté les conseils des anciens et ça a marché.
Vous quittez la Guinée pour la Corse à 18 ans, avec une signature au Gazélec Ajaccio. Comment avez-vous vécu cette acclimatation à un nouveau continent ?
C’était dur de s’éloigner de ma famille, de se retrouver isolé en Corse. Avant Ajaccio, j’avais passé des essais à Bordeaux, je m’étais entraîné 2-3 semaines avec le groupe professionnel où malheureusement je m’étais fait une grosse entorse. Je suis donc arrivé à Ajaccio blessé, la saison avait déjà commencé. Je devais me rétablir afin de commencer la nouvelle saison, je me suis soigné et j’ai même réussi à participer à la fin de saison avec le Gazélec. Et la saison d’après (2004-2005), je me fais remarquer et ça se passe très bien, je finis troisième meilleur buteur en National (en réalité 6ème meilleur buteur avec 13 buts, ndlr).
Après cette très bonne saison en National, vous effectuez le grand saut en Ligue 1 avec Le Mans qui construit une belle équipe à ce moment-là…
Pas mal de clubs de Ligue 2 et de Ligue 1 me voulaient. Mon agent me conseille : « Je ne vais pas t’emmener n’importe où. Le Mans vient de remonter avec un très bon effectif, c’est la meilleure chose pour toi. » Et c’est comme ça que ça a commencé. Mon agent je lui dois beaucoup, c’est grâce à lui que j’ai pu avoir cette carrière.
Au Mans, vos débuts sont prometteurs et vous explosez dès votre deuxième saison.
On avait vraiment une bonne équipe. Grafite, Tulio de Melo, Romaric, Stéphane Sessegnon, Yohann Pelé, Marko Basa, Laurent Bonnart… C’était vraiment une très bonne équipe. Surtout, il y avait un esprit de famille, on avait l’impression de jouer chez soi. Il y avait une bonne cohésion. Les deux ans que j’ai faits là-bas étaient super. Et sur un plan personnel, j’arrive à bien me faire remarquer (troisième meilleur buteur de Ligue 1 avec 12 buts lors de la saison 2006-2007, ndlr).
« Tout le monde rêve de jouer la Ligue des Champions »
En fin de saison, beaucoup de clubs viennent aux renseignements et un peu à la surprise générale vous décidez de signer au Dynamo Kiev en Ukraine, un championnat encore méconnu en France. Qu’est-ce qui a fait pencher la balance en faveur de cette destination ?
Le championnat de France était beaucoup plus médiatisé c’est vrai mais il n’y avait pas une grande différence avec l’Ukraine. Là-bas, ça joue bien au football, avec de bons joueurs. Après deux bonnes saisons en France, le président de Kiev m’a appelé, on a discuté, ça s’est bien passé et surtout c’était un club qui était qualifié pour la Ligue des Champions l’année suivante. C’est vraiment ce qui m’a motivé. Tout le monde rêve de jouer la Ligue des Champions. Voilà pourquoi j’ai pris la destination de l’Ukraine.
On peut dire que vos débuts dans la compétition sont réussis, avec 4 buts en phase de poules pendant qu’en championnat les réalisations s’enchaînent.
J’ai pas mal performé là-bas, j’ai mis plein de buts, 38 en deux saisons. En championnat, on termine 2ème derrière le Chakhtar Donetsk mais on récupère notre titre l’année suivante. C’était vraiment une belle expérience.
Entre-temps vous retrouvez même le PSG en Coupe de l’UEFA (1/4 de finale, 0-0, 3-0) et votre compatriote Stéphane Sessègnon qui évolue dans le camp d’en face.
(Rires) Au match aller à Paris on a fait 0-0, je n’ai pas eu la chance de jouer ce match-là comme j’étais blessé. Pour le match retour je me suis préparé comme il faut et je l’avais prévenu deux jours avant la rencontre : « Stéphane, tu vois comment il fait froid ici en Ukraine, tu n’auras pas la chance. Ici, je gagne. » Et on a gagné. D’entrée je me suis régalé (but dès la 4ème minute). C’était le Paris Saint-Germain quand même ! A l’arrivée on était tellement contents de battre Paris.
Tout se passe bien à Kiev jusqu’au retour d’Andriy Schevchenko, la légende du club…
Exactement. On était de retour en Ligue des Champions et Schevchenko voulait revenir en Ukraine pour y terminer sa carrière mais aussi en prévision de l’Euro 2012 organisé à domicile. Le président n’avait pas le choix, c’est le fils du club. Il est venu me voir pour me vendre, je n’ai pas discuté, j’ai laissé la place. Moi je visais l’Angleterre. Et là le président vient me dire qu’il a reçu une offre. Je lui demande si c’est bien à l’étranger et il me répond : « en France, c’est Rennes ». J’ai dit « Ah bon ? Rennes ? ». Je viens de la France, je vais en Ukraine et il y a Rennes qui se déplace. Du coup je reviens chez moi en France à Rennes, une bonne équipe.
« Je pouvais rebondir dans n’importe quel club »
À Rennes vous devenez le deuxième plus gros transfert de l’histoire du club à cette époque (11 millions d’€). De quoi ressentir une pression supplémentaire ?
Non, pas du tout. Avec les deux saisons que j’avais faites à Kiev je sentais que je pouvais rebondir dans n’importe quel club. J’arrive avec un gros salaire, un statut élevé, c’était pas mal ! Cela demandait de travailler plus encore, je sentais qu’il y avait énormément de confiance envers moi et je devais être à la hauteur.
Là encore, des débuts parfaits. Pour votre premier match officiel face à Boulogne-sur-mer, vous vous distinguez au bout de 7 minutes avec un ciseau-retourné qui fait but.
C’était magnifique ce but je m’en souviens très bien. Il y avait des grands joueurs à côté de moi, Jérôme Leroy qui me crie « laisse, laisse » et j’ai tenté et c’est rentré. C’était génial pour commencer !
Quelle était votre relation avec l’entraîneur Frédéric Antonetti ? Il est réputé pour son fort caractère, comment ça s’est passé avec lui ?
Oui Antonetti il a du caractère. En plus, c’était lui qui voulait de moi. Il avait besoin d’un joueur de couloir. En Ukraine pourtant je jouais devant, en position de numéro 9. Mais ça se passait super bien. En fait, ça a commencé à tourner quand Jimmy Briand, le chouchou du club, est revenu d’une blessure des ligaments croisés. Il voulait tout de suite jouer car il était proche de l’Equipe de France. Je me suis retrouvé sur le banc. J’ai dit au coach que ça ne pouvait plus continuer comme ça. J’ai donc décidé de partir. Et je n’avais pas d’autres solutions que de partir pour le Golfe.
Vous n’aviez pas d’autres offres en Europe ?
Non vraiment je n’avais pas d’autres solutions, s’il y avait eu des offres en Europe je serais resté, je ne serais pas parti à Dubaï. Un agent m’a appelé pour me dire qu’il y avait une offre d’Al-Nasr aux Emirats arabes unis, j’ai pris ma décision et je suis parti.
« Le moment le plus difficile de ma carrière »
À Al-Nasr vous marquez beaucoup de buts mais la fin se termine en eau de boudin…
Au début le club était très content de moi, lorsque je suis arrivé je les ai emmenés en Ligue des Champions asiatique. J’ai marqué plein de buts, fait plein de passes décisives. La première année s’est super bien passée. Et puis lors de la deuxième année, Walter Zenga, l’ancien gardien de but italien (aujourd’hui à Cagliari, ndlr), arrive sur le banc, la relation était difficile. J’ai décidé de rompre mon contrat pour rejoindre Nantes où Waldemar Kita m’avait contacté.
En janvier 2012 vous décidez donc de rompre unilatéralement votre contrat sans l’accord d’Al-Nasr, qui vous poursuit avec le FC Nantes devant la FIFA pour cela. Vous voila suspendu 4 mois et Nantes est privé de recrutement pour 2 mercato.
Je n’ai pas joué pendant des mois et j’ai dû payer une grosse somme qui m’a coûté 6 millions d’euros. J’ai même perdu 4 à 5 kilos pendant cette période ! Sans aucun doute le moment le plus difficile de ma carrière.
A Nantes, vous ne vous relèverez jamais vraiment de cet épisode.
J’étais d’abord le bienvenu à Nantes, je m’entraînais bien, le coach Michel Der Zakarian comptait sur moi et je fais une bonne demi-saison en Ligue 2 (2 buts en 9 matchs). Et inexplicablement le président décide de me prêter dans un club au Qatar alors que je n’étais au courant de rien. Les gens ont cru que j’abandonnais le club parce qu’il était encore en deuxième division mais s’il y a quelqu’un qui a des comptes à rendre ce n’est pas moi, c’est le président qui a décidé de me prêter là-bas. J’y suis resté 1 an, le club est remonté en Ligue 1 et les problèmes sont intervenus. Après ma suspension, j’avais beau faire la différence d’un match à l’autre, j’étais condamné à rester sur le banc. J’ai demandé au président de me laisser partir.
En 2016 vous retournez donc au Moyen-Orient en Arabie Saoudite, c’est un peu le bout du tunnel après plusieurs années difficiles.
J’ai passé 3 bonnes années là-bas (à Al-Raed). Quand je suis arrivé le club était relégable mais j’ai réussi à les maintenir plusieurs fois en marquant plein de buts. J’ai même participé à la meilleure saison de l’histoire du club (5e du championnat saoudien lors de la saison 2016-2017).
« Pascal Feindouno était un magicien, un extraterrestre ! »
Revenons sur votre parcours avec la sélection de Guinée. Jouer avec le Syli National, n’est-ce pas la plus grande fierté de votre carrière ?
C’est le rêve ultime de tout Guinéen. C’est une fierté de représenter mon pays. A force de travail j’ai pu me retrouver aux côtés du magicien Pascal Feindouno, de Fodé Mansaré… Mon meilleur moment avec la Guinée c’est lorsque j’ai appris ma première sélection en 2006. Mon premier match contre l’Afrique du Sud était un grand moment, c’était une sélection que j’avais regardé jouer lors des Coupes d’Afrique et là je me retrouve sur le terrain avec les Benedict McCarthy etc…
Vous avez décidé de prendre votre retraite internationale assez jeune…
Oui lorsque j’étais à Nantes, j’ai décidé d’arrêter en me disant que c’était le moment de laisser ma place aux jeunes. On a essayé plusieurs fois de me convaincre de revenir sur ma décision mais j’ai toujours refusé. J’ai estimé avoir effectué mon travail pour le Syli, aux jeunes de prendre la suite.
Que pensez-vous de la sélection actuelle, emmenée par une nouvelle génération de joueurs qui évolue dans des grands clubs européens comme Naby Keita (Liverpool) ou Amadou Diawara (Naples) ?
Oui c’est sûr que ce sont de très bons joueurs. Mais jusqu’à présent quelque chose ne va pas bien en sélection. Malgré le bon effectif, collectivement il y a un blocage. On n’arrive pas à aller vers l’avant. Au niveau de la fédération il y a tout le temps des changements, pareil au niveau des coachs. La faute est toujours rejetée sur les uns ou sur les autres. Cela manque de stabilité.
Tout au long de votre carrière, quel est le joueur avec lequel vous avez préféré évoluer ?
C’était mon rêve de jouer avec Pascal Feindouno (passé par Bordeaux et Saint-Etienne, ndlr). Un magicien, un extraterrestre ! C’était un milieu de terrain qui jouait comme Zidane, qui est capable de te donner la passe même quand il est dos au but.
Vous êtes aussi le demi-frère de Mohamed Simakan, qui s’est révélé à Strasbourg cette saison. Comment voyez-vous sa progression ?
Je l’ai vu grandir depuis 10 ans. Je le considère comme mon fils. Il a passé sa jeunesse à Marseille, pendant les vacances on passait du temps ensemble. C’est une fierté quand je vois un petit évoluer comme ça. Je croise les doigts pour lui, j’espère qu’il va avoir une bonne carrière, en tout cas il a l’avenir devant lui. En plus c’est un défenseur polyvalent. J’espère qu’il rejoindra un grand club, je sais que pas mal d’équipes le suivent.
Vous vous voyez encore dans le monde du foot après votre carrière ?
Le milieu footballistique on reste toujours dedans. Quand tu adores le foot comme moi, ce n’est pas évident d’en sortir. Surtout, je suis encore joueur ! Donc oui.
Un retour au Mans pour finir votre carrière, c’est envisageable ?
Beaucoup de monde me pose la question : « Tu ne veux pas finir ta carrière en National, tu as fait un bon parcours avec Le Mans ». Et je réponds à chaque fois que personne ne m’a encore appelé. Pour le moment, je n’en ai vraiment aucune idée.
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