Celui qui a été cité par le Capitaine Moussa Dadis Camara lors de sa comparution comme son mentor, le Colonel Fodé Bocar Vivace Sylla, dernier Directeur de la Division des Opérations et d’instruction de l’état-major général des Armées sous le Général Conté, a été pourtant arrêté et sauvagement torturé par le CNDD dirigé par le Capitaine Dadis.
Lors de sa déposition devant le tribunal pénal, l’ancien chef de la junte avait affirmé que l’arrestation de son mentor était orchestrée par le Général Sékouba Konaté. Et qu’il avait donc ordonné la libération de celui-ci, quelques jours seulement après son arrestation.
Cette version du Capitaine Moussa Dadis Camara vient d’être balayée du revers de la main par le principal concerné. Le Colonel Vivace, puisqu’il s’agit de lui, marque son démenti formel dans une interview exclusive accordée à votre quotidien électronique Depecheguinee.
Lisez !
Depecheguinee : Présentez-vous à nos lecteurs ?
Colonel Vivace : Je suis Fodé Bocar Vivace Sylla, Directeur des opérations et instructions, de la planification et d’emploi à l’état l’état-major des Forces armées.
Expliquez-nous les circonstances de votre arrestation à la prise du pouvoir par le CNDD.
Je fus arrêté le 5 janvier 2009 dans les environs de 23 heures. J’étais couché dans ma chambre quand Toumba, accompagné de 3 autres militaires, a défoncé la porte du salon. Ils ont braqué l’arme aux enfants qui étaient couchés au salon, et Toumba Diakité m’a appelé 3 fois je n’ai pas répondu. J’ai ouvert l’autre porte de ma chambre et je suis sorti derrière eux au salon. Toumba m’a dit que c’est le président Dadis qui l’envoie, qu’il a besoin de moi. J’ai demandé à cette heure ? Il a dit oui et tout de suite. J’ai voulu rentrer pour m’habiller, mais Toumba ne m’a pas permis. Parce qu’on lui a dit prétendument que si je rentrais dans la chambre, j’allais disparaître. C’est alors que ma femme est rentrée pour chercher mes habits que j’ai portés avant de les suivre. Nous sommes sortis pour monter dans leur pickup. J’ai remarqué que mon domicile était quadrillé par les militaires lourdement armés. Ils m’ont conduit au Camp Alpha Yaya et ils m’ont fait entrer dans un bâtiment situé près du Foyer du soldat, près du BATA (Bataillon autonome des troupes aéroportées) où j’ai trouvé le Général Diarra Camara , le Colonel Issiaga, le Colonel David Sylla, le Général Daffé, le Général Mamadouba Sylla, etc. Il y avait une trentaine de personnes déjà arrêtées. On est resté dans ce bâtiment jusqu’au 8 février, date à laquelle on nous a conduits à la Présidence « Cité CNDD ». On nous a mis dans un bâtiment situé entre celui de Tiégboro et celui du Capitaine Makambo. C’est là qu’on est resté 7 mois durant, jusqu’en juillet 2009.
Le Capitaine Moussa Dadis était-il au courant de votre détention ?
Bien sûr que oui ! Dadis était au courant de notre détention au sein de la Présidence. Vous savez, c’est mon fils aîné Becker qui travaillait à l’intendance qui m’avait présenté Moussa Dadis à l’époque. C’étaient des amis. Donc, quand je fus arrêté, mon fils est allé voir Dadis pour l’informer mais il n’a pas réagi. Il a plutôt affirmé pendant le rassemblement que je l’ai déçu, sans expliquer pourquoi et comment je l’ai déçu. Et une fois, j’ai vu Tiégboro qui était mon cinquième secrétaire passer devant notre cellule. Je l’ai appelé. Il m’a dit que ce n’est pas lui qui m’a mis là. Puis, il est parti. Ils étaient tous au courant de notre détention.
Qu’es-ce qui a occasionné votre transfèrement à Kassa ?
C’était au mois de juillet 2009, ma femme N’touré avait réussi à réunir les femmes des officiers injustement arrêtés et détenus à la Présidence pour faire une manifestation avec les mouchoires blanches, pour réclamer notre libération. Pour ma femme, le Capitaine Dadis qui l’appelait affectueusement « maman » quand il venait passé des nuits chez moi, ne pouvait pas la voir dans une situation de détresse sans libérer son mari. Et quand elles sont venues manifester, elles ont été sauvagement battues par Coplan, Marcel Makambo et Cécé Raphaël. Je ne pourrai jamais oublier ce jour. Le lendemain, ils nous ont tous mis dans un camion pour nous conduire au Camp Koundara, dans les environs de 1 heure du matin.
Ces traces de cordes sur vos bras, c’est au Camp Koundara que vous avez portées ?
Quand nous sommes arrivés à 1 heure du matin, à ma descente du camion, quelqu’un m’a appelé et m’a demandé si c’est bien moi le Colonel Vivace. J’ai répondu par l’affirmative. A mon tour, je lui ai demandé qui il était, lui. Il m’a répondu c’est Bégré. J’étais soulagé parce que lui, c’est moi qui l’ai recruté dans l’armée sauf que je me suis trompé de la personne ce jour. Bégré est descendu et il a ordonné aux jeunes de me déshabiller. Aucun militaire n’a bougé pour exécuter l’ordre, parce que j’étais celui qui a recruté et formé la majeure partie des jeunes de l’Armée guinéenne. Il a crié sur eux. Le premier qui a déchiré mes habits a perdu la vue. C’est ainsi que je me suis ressaisi pour éviter les dégâts. Et Bégré m’a ligoté. Il m’a jeté dans la mer. Il m’a noyé ainsi que le Colonel David Sylla en nous donnant des coups aux visages. Je ne pourrai même pas vous expliquer les différentes scènes de tortures que j’ai vécues ce jour. Jel’ai regardé et lui ai dit : « Bégré, tu m’as attaché. Tu vas mourir au bout d’une corde si Dieu existe vraiment ». Ils nous ont encagoulés et mis dans une pirogue comme des poissons pour nous faire traverser à Kassa.
Vous avez été torturé à Kassa aussi ?
On est arrivé à Kassa dans les environs de 3 heures du matin bien ligoté. On m’a conduit dans une salle où ils m’ont versé dessus un pot d’urine fermentée de 20 litres des prisonniers, par peur que je ne me transforme pour disparaître. C’était très douloureux par ce que j’étais blessé à la tête et la corde était déjà dans ma peau. Je suis resté attaché jusqu’au matin parce que j’étais déjà victime de la commune renommée. Le chef de poste avait peur de me détacher. Il y avait un jeune Toma connu sous le nom de Woulé Gueré qui s’est engagé auprès de son chef de poste de me détacher que je ne vais rien leur faire. Je fus détaché et conduit dans une grande salle où il y a avait presque toute la garde présidentielle decConté et plusieurs généraux couchés par terre sur des nattes. Le Colonel David Sylla et moi, nous étions indexés pour être tués parce qu’on a subit toutes sortes de tortures. Mais Dieu a voulu autrement.
Comment vous avez été libéré ?
J’ai été libéré la veille de la Fête de Ramadan, le 19 septembre. C’est Toumba qui était venu me chercher à Boulbinet. Il m’a conduit dans ce bureau où j’ai attendu le Capitaine Dadis jusqu’à 20 heures, parce qu’il était en conférence aux Cases de Bellevue. Après, il m’a reçu. Il m’a demandé pardon. Une délégation composée de Kèlètigui Faro et autres m’ont accompagné à mon domicile.
Mais Dadis, quant à lui, affirme que votre arrestation était orchestrée par Général Sékouba Konaté…
Je ne peux pas affirmer, ni infirmer ce qu’il a dit parce que le Général Sékouba Konaté ne m’a jamais aimé. Et vous savez pourquoi ? Parce qu’on l’a arrêté plus de 3 fois pour tentative de coup d’état contre le Général Lansana Conté. Sa dernière tentative, quand il a été arrêté et conduit à Kassa, il n’allait pas s’en sortir. C’est moi qui l’ai sauvé. J’ai créé un budget pour lui je l’ai muté à Macenta avec interdiction de séjour à Conakry. Et c’est le Général Diarra Camara qui l’avait ramené à Conakry pour mettre fin aux mutineries pilotées par Coplan. Donc, Sékouba Konaté n’a jamais voulu que je sois prêt de Dadis qui m’appelait papa. Même le jour de l’enterrement du Général Lansana Conté, Dadis m’a accueilli en disant devant l’assistance : « Mon père est venu ». J’ai été surpris de sa réaction après.
Entretien réalisé par
Abdoul Latif DIallo
journaliste d’investigation