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Commandant Marcel Guilavogui : « Je pouvais être président de la République… »

Après la signature de l’accord de Ouaga entre le Capitaine Moussa Dadis Camara et le Général Sékouba Konaté le 15 janvier 2010, qui attribue le pouvoir au N°3 du CNDD, devenant de facto le nouvel homme fort de la Guinée pour conduire une transition d’une durée de 6 mois. Cet accord devient une couleuvre dure à avaler pour les proches du Capitaine Moussa Dadis Camara.

Moussa Keita, Secrétaire permanent du CNDD, qui était présent à Ouaga pour la signature de cet accord, avait vite compris le jeu du médiateur et de la communauté internationale, qui consistait à écarter le Capitaine Dadis du pouvoir, et le maintenir à Ouaga jusqu’à la fin de la transition. Moussa Keita informe ainsi les proches de Dadis à Conakry.

Ces proches de Dadis, qui avaient commencé à crier de la trahison de Sékouba qui est à la base du complot pour éloigner Dadis au pouvoir, avaient déjà commencé à manifester leur mécontentement. Des mouvements de soutien s’étaient organisés demandant le retour de Dadis. D’autres ont même menacé d’abattre l’avion du Général Sékouba s’il revient à Conakry sans Dadis. 

Le service de renseignements avait déjà informé le Général Sékouba Konaté d’un éventuel coup d’État contre sa personne à son retour de Ouaga. Le capitaine Gono Sangaré, l’argentier du Capitaine Dadis, aurait d’ailleurs été à la tête de la troupe qui devrait en découdre avec Sékouba dès sa descente d’avion.

Rencontré à la Maison centrale de Conakry, le commandant Marcel Guilavogui a, dans une interview exclusive accordée à votre quotidien en ligne Depecheguinee, levé un coin du voile sur ce coup d’Etat en perspective attribué à Gono Sangaré avant de faire d’autres révélations sur cette affaire.

Depecheguinee : A la signature de l’accord de Ouaga en 2010, comment avez-vous accueilli la nouvelle ?

Le président m’avait appelé au téléphone depuis Ouaga. J’étais dans ma chambre. Mais la manière dont Dadis avait parlé à la télévision on dirait on l’avait drogué, il articula difficilement sa langue. Et tous les Guinéens avaient remarqué cela. Donc, je ne savais même pas qui lui avait communiqué mon numéro, parce que c’était la première fois qu’il m’appelait au téléphone. Il m’a dit : « Marcel, s’il vous plait, il faut soutenir mon ami Sékouba Konaté, et rester tranquille. Après mon traitement, je reviendrai ». Pourtant, je n’avais même pas une mauvaise intention envers le Général Sékouba Konaté.

Depecheguinee : Pourtant, il se raconte que vous n’étiez pas d’accord avec cet accord, que vous étiez parmi le groupe qui voulait reprendre le pouvoir dans la nuit du 20 janvier 2010…

Je ne suis pas un ambitieux du pouvoir, sinon si je voulais le pouvoir, c’est le jour où Toumba a tiré sur Dadis et il a fui, que j’allais prendre le pouvoir. Parce que je pouvais regrouper mes amis et mes proches, prendre le Camp Alpha Yaya et faire un discours de prise de pouvoir. Je pouvais être président de la République, je vous le jure entre ma prison et moi. Mais Je n’ai pas fait parce que ça ne m’intéressait pas. Donc, c’est faux ce qui se raconte là.

Depecheguinee : Alors, que s’est-il passé le jour du retour du Général Sékouba dans la nuit du 20 janvier 2010, à l’aéroport ?

Le 20 janvier, le jour où Sekouba est venu, on s’est tous rendus à l’aéroport. Ce jour-là, j’ai trouvé les militaires avec des badges. Et ceux qui n’avaient pas de badges n’entraient pas dans la cour de l’aéroport. Moi, je n’étais pas gardé. Je suis venu dans ma voiture personnelle. Je suis entré dans l’aéroport jusqu’à sur la piste. Dès que l’avion a atterri, le Général Sékouba Konaté est descendu, une voiture est partie en flèche vers l’avion, le Général est monté dedans et ils ont pris la piste : direction Base militaire. Une voiture les attendait là-bas, et sans tarder, il a rejoint son domicile à Taouyah.

Depecheguinee : Selon vous, pourquoi le Général Sékouba a dévié le dispositif qui l’attendait sur le pont de l’aéroport ?

Je ne saurai le dire, mais quand le président a quitté, alors, qui va rester ? C’est ainsi que tous les militaires présents à l’aéroport se sont embarqués : direction Taouyah. Et quand je suis arrivé à Taouyah, ils m’ont empêché de voir le Général Sékouba. J’ai tenté de le rencontrer, je n’ai pas pu. Alors, j’ai replié pour la maison.

Depecheguinee : Donc, vous n’avez jamais eu le temps de rencontrer le Général Sékouba ?

Non, une semaine après, j’ai décidé d’aller le voir. A mon arrivée, dès qu’il m’a vu, il m’a appelé en me demandant : « Marcel, ça va ? » Il l m’a fait entrer dans son bureau et m’a dit : « Marcel je sais que toi, tu n’as pas de problème. Tu es un jeune discipliné, en plus tu n’es pas ethno. Tu m’as prouvé ça. Ensuite, il m’a dit effectivement mes hommes m’ont dit qu’ils t’ont vu à l’aéroport et tu étais venu jusqu’à Taouyah mais tu n’as pas eu accès.  Qu’il leur a demandé pourquoi ils m’ont empêché de le voir, Marcel est discipliné je le connais depuis longtemps. Il a pris 10 millions, il m’a dit Marcel tiens, la semaine prochaine viens, je vais te nommer officier de liaison à Léro (zone aurifère de Siguiri). Il a appelé son secrétaire ils ont pris mes filiations après il m’a demandé ou bien tu veux rester avec moi ». 

J’ai dit : Monsieur le président, un militaire n’a pas de choix. Je suis entièrement à votre disposition. Ne pensez pas que comme votre ami est à Ouaga, qu’on est pas avec vous. On vous a vus ensemble. Donc, si Dadis n’est pas là, mais vous, vous êtes là, c’est le même esprit. Moi je suis militaire, je ne suis pas ethno et je suis républicain. Parce qu’un militaire n’est pas démocrate, un militaire est républicain, il obéit au président en exercice. Mais dès qu’un militaire devient démocrate, il entre dans la politique. Le militaire républicain il est là pour une vision et les instructions du président en exercice.

Depecheguinee : On vous accuse, Gono Sangaré et vous, d’être à la tête de ce coup d’État alors en perspective ?

C’était faux ! Cela est loin de la vérité. Les gens accusent souvent Gono Sangaré. Mais Gono avait quelle troupe pour organiser un coup d’Etat ? Gono était simple intendant qui ne connaissait que l’argent, comment lui peut faire un coup d’Etat et avec quelle troupe ? C’était juste une combine organisée pour neutraliser les éléments fidèles à Dadis.

Depecheguinee : Mais on raconte que Gono Sangaré avait toutes les recrues de Kaleya sous sa coupole…

Mais attendez, on parle souvent de recrues de Kaleya, mais kaleya ce sont les recrues du Général Sékouba Konaté qui étaient là. Il n’y a aucun membre du CNDD qui n’avait pas son parent parmi les recrues de Kaleya. Il n’est pas bon de mentir. On ne peut pas faire un recrutement en Guinée sans que les membres du gouvernement ne recommandent leurs parents. C’est nous les petits subordonnés qui étions même lésés. Moi-même, c’est au kilomètre 66 que j’ai eu la chance d’aider certains jeunes qui ne sont même pas de mon ethnie. Parce que c’étaient des jeunes qui n’ont pas pu réussir dans le football. Donc, il fallait les aider pour ne pas qu’ils deviennent délinquants. Les hommes de Kaleya ne bougeaient pas. Ce sont des recrues de l’État. On parle de miliciens c’est lorsque vous n’avez pas été recruté par l’Etat. 

Depecheguinee : On raconte que c’est le Colonel Claude Pivi qui avait fait échouer ce coup d’Etat, après avoir reçu un appel du Général Sékouba lui promettant de lui rendre les honneurs qu’il aurait perdus pendant le pouvoir de Dadis ?

Mais écoutez, c’est le Colonel Claude Pivi qui n’avait pas mis la valeur à son poste. Il a été nommé ministre chargé de la Sécurité présidentielle, c’est à lui d’organiser son département. Mais il ne l’a pas fait. Claude Pivi est un homme de terrain. Il n’était pas habitué au bureau. Sinon, c’est lui qui devrait coordonner toutes les structures de la sécurité présidentielle. Et dire que c’est lui qui avait fait échouer le coup d’Etat, j’ignore cela, parce qu’il n’a jamais été question de renverser le Général Sékouba. Si tel était le cas, alors moi, Marcel, n’y étais pas associé.

Depecheguinee : Alors, pourquoi on vous a arrêté quelques semaines après pour tentative de coup d’Etat contre Sékouba ?

Cette histoire de coup d’État a été inventée pour neutraliser tous les hommes forts qui sont dans l’esprit de Dadis. C’est pourquoi dès la deuxième semaine, Gono Sangaré a été arrêté et plusieurs autres fidèles du Capitaine Dadis et déposés au PM3. C’est quand je fus arrêté et conduit au PM3 que je me suis rendu compte, parce que la majeure partie des proches de Dadis étaient déjà détenus au PM3. Je les ai trouvés là-bas. C’était une chasse à l’homme qui était engagée contre les proches de Dadis pour asseoir le pouvoir de Konaté. Mais bizarrement, après quelque mois, ils ont été tous libérés sauf moi.

Depecheguinee : Est-ce que vous ne représentiez pas un danger pour le régime de Konaté vu qu’on vous appelait le « Parrain des caporaux » ?

L’histoire de Parrain des caporaux, je vais vous l’expliquer. Vous savez, moi, je suis chanceux dans l’Armée, et depuis mon enfance d’ailleurs. Même au village, mon père était militaire. Donc, quand j’arrive dans un endroit, le commandement me revient. Après ma formation commune de base, on est venus au Camp Alpha Yaya. C’est au cours d’une corvée que le Secrétaire général de garnison m’a appelé d’écrire les noms de mes amis désignés pour aller nettoyer la poudrière. Quand le Secrétaire a vu mon écriture, il m’a dit : Mais Marcel, tu écris bien. Toi, tu peux être Secrétaire de garnison. C’est comme ça que la note de service est sortie me nommant Secrétaire de l’officier de garnison auprès de l’Adjudant de bataillon. A l’époque, nos anciens, la classe 96, il y avait trop d’agitations en leur sein. Et moi, j’arrivais à gérer tous ces hommes-là. La garnison, c’est le cerveau, le moteur d’une unité, qui gère tous les problèmes des militaires, que ça soit problèmes de femme, de crédit, de déserteurs, tout ça passe par la garnison. Et c’est là-bas que j’ai eu le nom, parce que je les arrangeais et j’arrivais à contrôler tous les jeunes, et même certains anciens.  Je n’avais pas de repos. Je travaillais du lundi au dimanche. J’étais tellement aimé au camp que même quand je sors du bureau pour traverser, tu verras au moins cinq personnes derrière moi, chacun vient m’expliquer son problème pour que je puisse l’arranger auprès de l’officier de garnison. Et je donnais toujours des bons conseils à mon chef. C’est ce qui a fait que les jeunes me disaient que je suis leur papa. C’est comme ça que la chance est venue jusqu’à ce j’aie eu pour l’Union soviétique. J’ai fait le texte et j’ai été classé premier. Mais, je ne suis pas allé finalement.

Depecheguinee : Justement Toumba Diakité a déclaré à la barre que se sont eux qui vous ont dissuadé d’aller pour le besoin de la troupe. Le confirmez-vous ?

Ce n’est pas vrai, Toumba a coloré beaucoup de versions à la barre. Il me connaît, parce qu’il vivait avec moi. Je ne considère même pas Toumba comme un homme sérieux, parce que tout ce qu’il dit là, c’est la comédie. Mon père était paralysé, et il n’y avait personne pour s’occuper de lui, sauf ma petite sœur de 15 ans. Je ne pouvais pas laisser mon père dans les mains de ma petite sœur. J’ai pleuré, et j’ai renoncé pour m’occuper de mon père. Je ne pouvais pas abandonner mon père pour aller en Russie, parce que s’il mourait derrière moi, ça serait un grand regret pour moi. Et malheureusement, mon père est décédé pendant ma détention en 2013. 

Depecheguinee : Alors, pourquoi le général Sékouba Konaté ne vous va-t-il pas nommé comme promis mais plutôt il vous a arrêté ?

Ce n’est pas le Général Sékouba Konaté qui m’a arrêté ; c’étaient des gens qui avaient peur de moi que je suis très aimé au Camp Alpha Yaya. Et le Général Konaté avait même ordonné au Général Nouhou Thiam de me libérer. Le Général Nouhou était mon voisin. On était tous logés à la Cité Panival. Et je ne sais pas pourquoi il avait refusé d’obéir à l’ordre donné par le Général Konaté. Tout ce qui est arrivé aujourd’hui c’est le Général Nouhou Thiam qui est à la base. Parce que le Général Konaté lui a dit qu’est-ce que Marcel fait au PM3 ? Pourquoi vous l’avez arrêté ? Il faut le libérer immédiatement. C’est ainsi qu’on m’a envoyé dans le bureau du Général Nouhou Thiam au Camp Samory pour me libérer. Nouhou Thiam avait même commencé à me dire Marcel il faut pardonner. Tu sais, c’est des erreurs. Après que le Général Baldé soit arrivé, il est parti s’entretenir avec le Général Nouhou Thiam. C’est ainsi que le Général Nouhou Thiam a changé de version. Il m’a dit : Marcel, il faut aller au PM3, il y a d’autres situations. Ils vont te demander après tu vas rentrer à la maison. Ils m’ont retourné au PM3. Quand ils ont voulu rénover le PM3 en ville, on m’a conduit à Matam où j’ai passé 3 mois avant d’être déféré à la Maison centrale

Quelques années après, le Général Nouhou Thiam a été arrêté et déféré à la Maison centrale, comment avez-vous cohabité ?

Vous savez, je suis quelqu’un qui pardonne. Le Général Nouhou Thiam est venu me trouver en prison ici. J’ai fait six mois sans le fréquenter. Il y avait un groupe de militaires à la Maison centrale qu’il avait radiés pour des faux problèmes ce qui lui insultait père et mère. C’est ce qui m’avait fait mal. Je suis allé vers ces militaires pour les supplier d’arrêter de l’insulter. Je leur ai fait comprendre que Dieu a déjà fait leur combat en envoyant le Général Nouhou Thiam en prison. Un jour, je quittais l’église avec mon chapelet, je suis venu vers lui, pour le saluer. Quand il m’a vu, il a dit : mon fils, comment tu vas ? Je lui ai dit : mon Général, vous savez que c’est vous qui m’avez envoyé en prison, et voilà Dieu vous a aussi envoyé en prison, et moi en tant que croyant je vous pardonne. Il m’a dit mon fils Marcel pardonne-moi, et j’ai accepté le pardon. Donc, je le fréquentais jusqu’au jour où il est sorti de prison. Et il partit rendre visite à ma famille. Et si aujourd’hui il a été rappelé au Seigneur avant moi, c’est aussi la volonté de Dieu. Que Dieu lui accorde le paradis.

Depecheguinee : Dans sa déposition à la barre, Toumba Diakité raconte que vous n’aviez le respect pour personne à l’époque ?

Vous pouvez vous renseigner dans toute l’Armée guinéenne si vous pouvez voir quelqu’un peut vous dire que Marcel est un indiscipliné, ou si Marcel est un délinquant, ou si Marcel a une fois volé. Toi, tu es un ami. On était ensemble à Koloma, est-ce que pendant tout le temps qu’on a fait ensemble quelqu’un s’est plaint de moi ? Ou est-ce que j’ai violenté quelqu’un ?  Il dit que moi, j’ai giflé le Général Toto. Je veux qu’il envoie un seul témoin qui puisse le confirmer. En 2009, moi, je faisais le sport avec les ministres Sanden, Boubacar Barry Big Up, etc. Parce que j’étais un jeune très discipliné. Un militaire qui affirme qu’il a arraché les grades d’un Colonel, il a tiré en face de lui, est-ce qu’il y a un militaire plus indiscipliné que lui ?

Depecheguinee : l’opinion publique retient de vous celui qui refuse de dire la vérité dans cette affaire surtout au sujet de votre présence au stade le jour de l’évènement. Que répondez-vous à cela ?

Depuis l’ouverture de ce procès du massacre du 28 septembre, parmi tous les accusés qui se sont succédé à la barre, je suis le seul qui a été cohérent. Mes procès-verbaux de l’enquête préliminaire, celui devant le pool de juges d’instruction, et devant ce tribunal, j’ai été cohérent. Il y a aucune différence dans mes dépositions parce que c’est la vérité.  Après mon audition au PM3, les officiers de police judiciaire ont mené une enquête sur ma présence au stade. Le résultat de leur enquête confirme que je n’ai pas été au stade. Alors celui qui est entrain de raconter à la barre que j’ai été au stade qu’il apporte la preuve alors.

Interview réalisée par Abdoul Latif Diallo

Journaliste d’investigation

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