Header Ad

Categories

Most Viewed

Tragédie au stade 3 avril : entre banalisation et indignité ministérielle

Décembre meurtrier, N’Zérékoré endeuillée, et voilà qu’un homme, drapé dans la robe prestigieuse du Garde des Sceaux, trouve le moyen de nous offrir une prestation digne d’un one-man-show. Au lieu d’une allocution empreinte de compassion, Yaya Kairaba Kaba s’est lancé dans un exercice périlleux , banaliser une tragédie tout en sermonnant les “ergoteurs” et autres “pyromanes numériques”.

Le stade 3 avril a vu 56 âmes s’éteindre sous les cris, la panique et le chaos. Mais rassurez-vous, la Guinée ne fait que suivre une “tendance mondiale”, dixit notre Ministre. Après tout, “la Guinée n’est pas le premier pays où de tels évènements ont tourné de cette façon”. Ah, quelle consolation de savoir que nous sommes en compétition avec d’autres nations pour le titre de “tragédie ordinaire”. Loin d’être un accident isolé, ces morts deviennent presque une statistique comparative dans un discours aseptisé et creux.

Et que dire de l’éloquence ministérielle, qui nous assure, avec une étrange sérénité, que “ces évènements n’avaient aucune coloration politique”. Bien sûr, on comprend. Parce que lorsque des familles pleurent leurs proches, leur préoccupation première est de vérifier la neutralité politique de la tragédie avant de laisser couler leurs larmes.

Mais le meilleur reste à venir , notre Ministre, devenu soudain le porte-parole de la rigueur mathématique, s’insurge contre ceux qui “ergotent” sur des chiffres non vérifiés. Ce n’est pas 57 morts, ni 60, mais 56 – pas un de plus, pas un de moins, qu’on se le dise ! Voilà un souci du détail qui ferait presque oublier le manque de volonté criant d’apporter des réponses concrètes et des mesures pour éviter que cela ne se reproduise.

Bien sûr, le Gouvernement s’est précipité à N’Zérékoré – “moins de 24 heures”, nous rappelle-t-on avec insistance, comme si le simple fait de faire acte de présence effaçait l’ampleur du drame. Des promesses ont été faites, des chiffres ont été avancés, mais les questions fondamentales demeurent , pourquoi ce drame a-t-il eu lieu ? Qui en est responsable ? Et surtout, qu’est-ce qui sera fait pour que les prochains tournois ne se transforment pas en funérailles collectives ?

Le Garde des Sceaux aurait mieux fait de garder son cœur “serré” pour lui. À défaut de compassion sincère, le silence aurait eu la décence de ne pas insulter la mémoire des victimes et la douleur des survivants. Mais non, il fallait qu’il parle, qu’il “mette en garde”, qu’il banalise.

Abdoul Latif Diallo 

Journaliste d’investigation 

Très très indépendant 

    Leave Your Comment