L’enquête que nous avons récemment publiée sur un détournement présumé de 280 milliards de francs guinéens au sein de l’Autorité de Régulation des Postes et Télécommunications de Guinée (ARPT) continue de susciter de vives réactions.
Mamadi Doumbouya, l’actuel directeur général de l’institution, tente de se justifier en affirmant avoir bien versé les fonds au compte de l’Agence nationale du service universel des télécommunications et du numérique (Ansuten) auprès de la Banque centrale. Une affirmation qui ne résiste pas à l’examen des faits.
C’est pourquoi nous tenons à apporter des clarifications avant la publication du chapitre 2.
Un document interne, issu du dernier conseil d’administration de l’Ansuten, apporte des éléments de clarification. Interrogé sur la situation financière de l’agence, son directeur administratif et financier (DAF) a révélé que le solde actuel du compte à la Banque centrale s’élève à 139,2 milliards de GNF, contre 200 milliards de GNF en début d’année 2022.
Or, cette somme provient exclusivement du versement effectué par l’ancien directeur général de l’ARPT avant son départ . Depuis son arrivée à la tête de l’institution, Mamadi Doumbouya n’a effectué aucun transfert de fonds, en dépit des obligations légales.
Le conseil d’administration de l’Ansuten a également soulevé une question clé : pourquoi aucun crédit n’a été versé sur le compte depuis mai 2022 ?
La réponse du DAF est sans équivoque : « L’ARPT ne reverse pas les ressources. Nous avons adressé plusieurs requêtes restées sans suite depuis 2022. » Une situation préoccupante qui édifie l’opacité de la gestion financière de l’autorité de régulation.

Les documents en notre possession révèlent que l’ancien directeur général de l’Ansuten avait, à maintes reprises, la revendication du montant à travers des lettres adressées à la ministre des Télécommunications, Rose Pola Pricemou, ainsi que son homologue des Finances. Malgré ces revendications répétés, aucune réponse n’a été apportée par les autorités compétentes.
De son côté, Mamadi Doumbouya s’était engagé à régulariser la situation en versant l’argent sur le compte de l’ANSTEN après la tenue d’un conseil d’administration. Or, plusieurs mois après cette réunion organisée en août, les 280 milliards restent toujours introuvables.
L’opacité de cette affaire ne s’arrête pas là. Mamadi Doumbouya cumule actuellement les fonctions de directeur général de l’ARPT et de président du conseil d’administration de l’Ansuten, avec des rémunérations qui interrogent. En plus de son salaire de 200 millions de GNF par mois en tant que DG de l’ARPT, il s’octroie 70 millions supplémentaires au titre de ses fonctions du PCA de l’Ansuten. Plus inquiétant encore, tous les membres du conseil d’administration perçoivent également une rémunération mensuelle, alors qu’ils devraient avoir des primes de session. une pratique qui interroge sur la gouvernance de l’agence.
L’ARPT et l’Ansuten souffrent d’une gestion catastrophique. Les chauffeurs, restés trois mois sans salaire, n’ont été payés qu’après la publication de mon article.
Un proche du dossier confie que Mamadi Doumbouya se targue de bénéficier du soutien du président de la transition, le général Mamadi Doumbouya, et se sentirait ainsi à l’abri de toute poursuite. Reste à savoir si cette lutte contre la corruption, prônée par les autorités, s’appliquera sans distinction ou fera l’objet de traitements de faveur.
Si certains, faute de soutien, sont rapidement arrêtés et emprisonnés, tandis que d’autres, malgré des détournements faramineux, se vantent de leur impunité, alors autant mettre un terme à cette farce de lutte contre la corruption.
L’affaire ne s’arrête pas à ce détournement présumé. Dans notre prochain article investigations, nous révélerons également preuve à l’appui l’attribution douteuse d’un marché de gré à gré du ministère de télécommunication d’une valeur de 105 milliards de GNF à la société Sky Internet, appartenant au directeur général de l’ARPT, pourtant se disant régulateur .
Nous vous détaillerons la complicité triangulaire entre le directeur général de l’ARPT, celui de l’Ansuten et la ministre des Télécommunications, afin de mieux comprendre la destination de ce fameux montant. De plus, l’acquisition de l’opérateur Areeba s’est faite dans une opacité totale, sans consultation de la commission dédiée, pourtant créée par arrêté ministériel. Une autopsie générale qui éclaircira toutes les zones d’ombre dont souffrent le ministère des Télécoms et l’Autorité de Régulation des Postes et Télécommunications (ARPT).
Face à ces révélations, l’opinion publique attend désormais une réaction des autorités. La main du président tremblera-t-elle face à ces dérives ou choisira-t-il de sévir ? La réponse à cette question définira la crédibilité de la lutte contre la corruption en Guinée.
Abdoul Latif Diallo
Journaliste d’investigation
Très très indépendant