En Guinée, rares sont les administrations que l’on peut considérer comme étant bien gérées. Les scandales qui ont éclaté tout dernièrement à la Direction Générale des Impôts et à la Direction Générale des Douanes ne sont que la face visible de l’iceberg.
La suspension des discussions entre le FMI et la Guinée à propos des dépenses extrabudgétaires d’un montant florant le milliard de dollars américains ainsi que de la gestion mafieuse du stock d’or de la BCRG constituent hélas des témoignages éloquents de la façon dont la chose publique est gérée par des mains à la fois malhabiles et baladeuses.
Pourtant, ce qui se passe au niveau de l’Autorité de Régulation du Secteur des Jeux et Pratiques Assimilées (ARSJPA), sous la férule de Mamadou Cissé, son tout-puissant Directeur Général, ferait pâlir de jalousie une bonne floppée des incompétents et experts en mauvaise gestion de la chose publique que des décrets monnayés ont placé à la tête de nos différentes administrations.
Un EPA inspiré par Guinée Games
L’ARSJPA a été créée par un décret du Président de la Transition, le 28 janvier 2023, à l’instigation de GUINÉE GAMES. En effet, pendant deux décennies, GUINÉE GAMES avait assumé en Guinée les fonctions qu’ailleurs dans le monde sont assumées par les Loteries Nationales.
En 2022, le CNRD met fin à cette anomalie en rétablissant le monopole naturel des jeux physiques en faveur de la LONAGUI, la société publique. Subitement sevré de l’argent facile qui coulait à flot, GUINÉE GAMES entre en guerre contre la LONAGUI par coups de publications mensongères puis par les portes dérobées.
C’est ainsi qu’ils ont réussi à obtenir par la corruption la création de l’ARSJPA dans le but de fragiliser puis de détruire complètement la LONAGUI au profit de GUINÉE GAMES.
Mais en plus d’obtenir la création de l’ARSJPA, ils ont réussi à placer à sa tête un ressortissant malien du nom de Mamadou Cissé à qui ils ont fabriqué une ascendance guinéenne et même trouvé un village natal. Exactement comme on avait fait découvrir à Baro que les ancêtres de Monsieur Alpha KONE (devenu Alpha CONDE) venaient de cette terre.
Deux ans après la création de l’ARSJPA et la nomination à sa tête de Mamadou CISSE, il a atteint partiellement les objectifs de ses sponsors puisque GUINÉE GAMES est revenu sur le segment des jeux physiques en violation flagrante de tous les décrets conférant et réitérant le monopole de la LONAGUI sur les jeux physiques ainsi que des règles élémentaires de l’économie des jeux de hasard partout à travers le monde.
Mais le plus grave, c’est la gestion même de l’ARSJPA. Nous avons enquêté sur les pratiques peu orthodoxes du Directeur Général de l’ARSJPA, conformément à la déontologie du métier de journaliste, en sollicitant en vain les observations et commentaires de M. CISSÉ sur les résultats de nos enquêtes.
Un Directeur Général souverain
Mamadou Cissé a été nommé Directeur Général de l’ARSJPA dès la création de cette structure. Il a fallu un an pour que le Conseil d’administration soit nommé.
Entre sa nomination et celle des membres du Conseil d’Administration, Mamadou Cissé a assumé sans ciller les fonctions des deux organes, en prenant plusieurs décisions notamment des décisions instituant des redevances ou fixant des conditions d’exploitation des jeux d’argent.
De fait, il est seul responsable des fautes de gestion et des infractions commises durant cette période.
Mais la nomination du CA, en 2024, n’a en fait rien changé dans la façon dont Mamadou Cissé conçoit son rôle de Directeur Général de l’ARSJPA.
Il prend les décisions qu’il veut sans même se donner la peine de les soumettre à l’approbation du CA, qui est normalement l’organe décisionnel alors que le DG est un simple organe d’exécution des décisions du Conseil d’Administration.
C’est ainsi qu’il a décidé seul d’engager le cabinet EPSILONE de l’expert-comptable Moriba Koly KOUROUMA comme commissaire aux comptes alors même que l’ARSJPA est soumise aux règles de la comptabilité publique et non à celles de la comptabilité d’entreprise.
Selon un juriste que nous avons interrogé, les établissements publics administratifs n’ont pas de commissaires aux comptes. Ces administrations sont contrôlées par la Cour des comptes, l’Inspection générale d’Etat, les contrôleurs financiers, la Direction du portefeuille de l’Etat et les inspections ministérielles.
Un expert-comptable, même s’il peut en avoir la compétence technique, n’a pas la compétence juridique pour réviser les comptes d’un EPA qui, en l’espèce, refuse même de se soumettre au contrôle des corps de contrôle de l’Etat.
En effet, en janvier 2025, dans le cadre de la constitution des dossiers de nouveaux organismes publics, la Cour des comptes a sollicité un certain nombre de documents et d’informations concernant l’ARSJPA.
Plutôt que de fournir aux magistrats financiers les informations demandées, Mamadou Cissé a préféré faire du trafic d’influence en envoyant des émissaires à la Cour savoir pourquoi on lui demandait des comptes. Ignore-t-il à ce point qu’il gère la chose publique et qu’il doit être contrôlé pour cela ? Mais peut-être aussi c’est parce qu’il a des choses à cacher et que toute demande, même légitime, le met dans un état de panique et d’insécurité.
Ordonnateur, contrôleur financier et agent comptable
L’ARSJPA est un établissement public administratif régi par la loi portant gouvernance des sociétés et établissements publics et par le Règlement général de gestion budgétaire et de comptabilité publique.
Dans les conditions normales, il devrait y exister une séparation entre les fonctions d’ordonnateur et de comptable. Les engagements de dépense devraient aussi être soumis au visa d’un contrôleur financier.
A l’ARSJPA, Mamadou Cissé exerce seul ces trois fonctions. Comme un monarque absolu, il dispose des finances de l’ARSJPA comme bon lui semble.
A titre d’illustration, au lieu d’ouvrir un compte auprès de la BCRG, qui est le banquier de l’Etat, il a ouvert des comptes auprès de certaines banques commerciales, à savoir : la BNIG (compte n°0350011000014105 93), SKYE BANK (compte n° 0121010421090201) et AFRILAND FIRST BANK (compte n°001010277690101 60) .
Soit dit, en passant, en acceptant d’ouvrir des comptes au profit d’un EPA,ces trois banques se sont rendues complices de détournements de derniers publics.
Si à la suite des contrôles des corps de contrôle ou des enquêtes de police judiciaire il s’avère que Monsieur Cissé a commis des fautes de gestion et des infractions (ce qui est le cas), les banques commerciales auprès desquelles il a ouvert des comptes seront tenues pour complices et donc responsables au même titre que lui.
Les sommes en jeu étant de l’ordre de plusieurs centaines de milliards de francs guinéens collectés auprès des sociétés de jeux et gérer discrétionnairement par M. CISSÉ, ces banques ont délibérément pris le risque de se mettre en danger de faillite en cas d’obligation de payer au Trésor les montant qui ont transité sur les comptes illégalement ouverts dans leurs livres par Mamadou Cissé.
Pilotage à vue
Par ailleurs, l’ARSJPA ne dispose ni de plan stratégique, ni de budget, ni même de rapports d’activité et de rapports financiers. En tout cas si ces documents existent, ils n’ont jamais été soumis au Conseil d’Administration. Or, une entité qui n’a pas de budget ou de plan ne peut être que mal gérée.
Marchés opaques
Monsieur Cissé a obligé toutes les sociétés de jeux à se connecter à ce qu’il appelle une plate-forme de régulation. Cette plate-forme de régulation est gérée par une société de droit français créée en 2023 et dans laquelle Mamadou Cissé a des intérêts.
Le recrutement de cette société s’est faite de manière unilatérale par Mamadou Cissé.
Se trouvant en situation flagrante de conflit d’intérêts, il oblige même les sociétés de jeux à payer les frais liés à cette plate-forme alors que c’est lui seul qui a choisi le gestionnaire et que les sociétés de jeux n’ont pas de contrat avec cette dernière.
Législateur en puissance
Monsieur Mamadou CISSÉ a par des décisions prises unilatéralement en 2023 créé des redevances alors qu’il n’a pas ce pouvoir. Il a aussi créé un Fonds d’appui au développement social qui est alimenté par des prélèvements de 5% sur le produit brut des jeux, qu’il gère comme il veut.
En créant des recettes en violation de la loi, Monsieur Cissé s’est rendu coupable de l’infraction de concussion.
Tutelle indifférente
Le catalogue des fautes de gestion et des infractions commises par Mamadou Cissé est long comme le règne de GUINÉE GAMES sur les jeux en Guinée.
Aussi curieux que cela puisse paraître, une bonne partie des irrégularités dénoncées dans cet article est parfaitement connue des autorités de tutelle de l’ARSJPA.
Dans une note datée du 29 octobre 2024, le PCA de l’ARSJPA a attiré l’attention du Général Amara Camara, Ministre Secrétaire Général de la Présidence et tutelle technique de l’ARSJPA, sur les nombreuses irrégularités qui caractérisent le fonctionnement de l’ARSPJA.
Il cite, entre autres, la création de redevances et d’un fonds d’appui au développement social et l’ouverture de comptes dans les banques commerciales alors que le principe de l’unicité du Trésor l’interdit formellement.
Manifestement, ni la tutelle technique ni la tutelle financière ne se sont montrées préoccupées par les informations remontées à leur niveau par le PCA.
D’où cette question :Comment comprendre que le DG d’un EPA puisse pendant deux ans gérer des biens publics comme s’il s’agissait d’un royaume hérité de ses ancêtres ?
Nous apporterons des éléments de réponse à cette question dans la deuxième partie en expliquant comment la manne collectée par Mamadou Cissé est partagée et qui en sont les bénéficiaires.








































Abdoul Latif Diallo
Journaliste d’investigation
très très indépendant