M. Bah Oury, l’homme qui aurait inhalé plus de gaz lacrymogènes qu’un pompier au milieu d’un incendie, nous revient avec une déclaration aussi savoureuse qu’un plat de foutou mal cuit. “J’ai été gazé pour la libération des ondes en Guinée”, clame-t-il avec la fierté d’un marathonien exhibant ses ampoules.
Nous sommes en 2004. À l’époque, Bah Oury, armé de ses convictions et d’une solide capacité pulmonaire, marchait aux côtés du vieux Bâ Mamadou pour libérer les ondes sous le régime du général Lansana Conté. Le gaz lacrymogène, visiblement, n’avait pas altéré son ambition. Mais voilà, fast-forward deux décennies plus tard, et l’ironie s’invite à la fête , celui qui s’est battu pour ouvrir les portes des ondes est maintenant accusé de distribuer les cadenas et de retirer les licences. Un revirement si spectaculaire qu’il ferait pâlir les scénaristes de telenovelas.
Ce vendredi 20 décembre 2024, lors du lancement de la Télévision Numérique pour Tous (TNT) un projet aussi moderne que son nom le suggère Bah Oury, désormais Premier ministre, a rappelé son glorieux passé de militant gazé. Mais attention, ce n’est pas tout. Il a aussi salué les “progrès” dans le secteur médiatique, tout en esquivant les critiques sur son silence face à la fermeture de certains médias privés. “L’essentiel, c’est d’avancer”, a-t-il lancé, probablement avec une pointe de nostalgie pour ses journées de marche.
Et quand il parle de “résistances”, on imagine volontiers des hordes de bureaucrates armés de paperasses, prêts à retarder tout progrès avec une efficacité déconcertante. Mais Bah Oury, en vrai marathonien de la modernisation, assure que tout ce retard est “douloureux mais nécessaire”. Comprendre , “On aurait pu le faire il y a dix ans, mais on a préféré attendre que tout le monde oublie qu’on avait promis de le faire.”
Ainsi va la Guinée médiatique sous Mamady Doumbouya et son Premier ministre : des avancées numériques et des restrictions analogiques, le tout dans une parfaite harmonie de contradictions. Bravo, Bah Oury. Gazé hier, verrouilleur aujourd’hui, mais toujours avec un souffle d’avance.
Abdoul Latif Diallo
Journaliste d’investigation
Très très indépendant