Il faut croire que le chiffre 13, maudit dans de nombreuses croyances, poursuit François Compaoré depuis maintenant 20 ans.
13 décembre 1998 : Norbert Zongo et 3 de ses compagnons d’infortune sont assassinés en rade de Sapouy, leurs corps brûlés. Tout de suite, beaucoup voient la piste du pouvoir en place, notamment la main de François Compaoré, puisque le directeur de publication du journal L’Indépendant enquêtait, à l’époque, sur la mort suspecte de David Ouédraogo, son chauffeur.
13 décembre 2017 : 19 ans, jour pour jour, après l’autodafé de Sapouy, comme si la justice française avait cyniquement choisi exprès cette date, le principal suspect était entendu pour la première fois par la Cour d’appel de Paris au sujet de la demande d’extradition formulée par les autorités burkinabè. 45 jours plus tôt, le 29 octobre, il avait été interpellé à l’aéroport Roissy Charles de Gaulle puis placé sous contrôle judiciaire en vertu du mandat d’arrêt international lancé contre lui par la justice burkinabè, le 5 mai 2017.
13 juin 2018 : C’est ce jour-là qu’on saura si celui qu’on appelait jadis « Le petit président » sera extradé ou pas vers son pays natal. Ainsi en a décidé la Chambre de contrôle de l’instruction de la Cour d’appel de Paris à l’issue de son audience qui s’est tenue hier, mercredi 28 mars 2018.
Plus que deux mois et demi donc pour que François soit fixé sur son sort qui s’est joué hier au cours d’une passe d’armes entre ses conseils et ceux de l’Etat burkinabè. Les premiers, avec à leur tête le ténor Me Pierre-Olivier Sur, ont dénoncé les failles de la demande d’extradition burkinabè, en particulier l’inexistence, selon eux, de documents incriminant leur client pour la simple raison que jusqu’à la date d’hier, les fameuses pièces à charge n’avaient pas été transmises à la justice hexagonale.
Autre argument de la défense, la peine de mort qui existe toujours dans l’arsenal répressif burkinabè, situation à laquelle s’agrippent François Compaoré et ses avocats comme à une bouée de sauvetage, quand bien même la sentence suprême n’aurait pas été appliquée au Burkina depuis bien longtemps et que les autorités ont assuré que « le petit président » ne sera pas envoyé devant le peloton d’exécution, si d’aventure les magistrats burkinabè le condamnaient à cette peine.
Enfin et surtout, l’immixtion grotesque de Jupiter qui a mis les pieds dans les plats du troisième pouvoir lors de son séjour à Ouagadougou en fin novembre 2017. Interrogé sur le sujet, le président français, Emmanuel Macron, avait en effet déclaré que la réponse de la justice à la demande d’extradition serait probablement favorable.
Si on ajoute à ces grosses coquilles le fait que l’avocate générale elle-même avait relevé un manque de pièces dans le dossier pour pouvoir statuer et avait, en ce sens, requis un complément d’informations, on a bien peur que l’affaire soit mal engagée pour l’Etat burkinabè, le pays réel et le peuple insurgé qui rêvent de voir la tête de François suspendue à un croc de boucher, comme qui dirait.
Mais qui peut savoir ce qui peut bien se passer d’ici ce fatidique 13 juin 2018 et qui pourrait faire pencher la balance des juges d’un côté comme de l’autre. D’autant plus que cette affaire n’est pas seulement judiciaire, elle est aussi politique pour ne pas dire que c’est une affaire d’Etat dont le dénouement se joue également dans les palais présidentiels, notamment ceux de l’Elysée, de Kosyam et de Cocody. Blaise Compaoré et son frère n’ont-ils pas acquis la nationalité ivoirienne depuis leur chute suivie de leur exil au pays d’Houphouët Boigny ?
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