Header Ad

Categories

Most Viewed

Guinée : une “transition” taille XXL, entre promesses, fou fou et zigzag

Comme le Syli National, qui chaque année nous fait espérer : « Cette fois, la Coupe est pour nous ! », voilà plus de 66 ans que la Guinée attend de décrocher enfin la CAN. Lorsque la CAF a annoncé que la Guinée organiserait l’édition 2025, l’espoir est monté en flèche. Hélas, au final, le pays n’a pu ni organiser cette compétition, ni s’y qualifier, et encore moins la remporter. Il faudra peut-être patienter un autre demi-siècle.

C’est un peu la même histoire du côté de l’équipe politique guinéenne, qui nous promet la démocratie depuis 1958. Soixante-six ans plus tard, nous sommes toujours dans l’attente. Et tout comme on rêvait d’organiser la CAN pour enfin la gagner, le 5 septembre 2021, l’« équipe politique » guinéenne s’est vue confier la « compétition » démocratique. À ce moment-là, un immense espoir est né : cette fois-ci, le « Syli politique » – rebaptisé « CNRD FC » – apporterait la « coupe » de la démocratie tant espérée. Et peut-être que le « Capitaine Layé Mady », ce colonel, finirait par remporter le « Ballon d’or » pour sa performance hors norme… qui sait ?

Mais hélas, à l’instar du Syli National, battu 1–0 par la Tanzanie sans parvenir à égaliser pour se qualifier, l’équipe politique de la Guinée semble-t-elle aussi sur le point de rater sa chance. Nous sommes à la 89ᵉ minute du match — à quelques jours de la date butoir du 31 décembre 2024 pour la transition — et le CNRD FC est mené 1–0 par “United Injustice FC”. Il leur faudrait un match nul pour espérer participer à la “coupe”.
L’équipe du CNRD FC parviendra-t-elle à égaliser, au moins, pour garder une chance dans la compétition ?

Les débuts : comme un bon match au Stade du 28-Septembre

Revenons un peu en arrière. Le 5 septembre 2021, Alpha Condé, surnommé “Papa promesse”, est expulsé du palais présidentiel après un long bras de fer avec le peuple. À Conakry, l’effervescence bat son plein : certains osent même comparer le colonel autoproclamé général à un “sauveur”. L’ambiance rappelle la victoire à la 90+2 du Syli national contre le Congo : explosion de joie, drapeaux brandis, klaxons sur l’Autoroute, et tout le monde qui scande : « Cette fois, c’est pour nous ! » On se rue sur le konkoé dans les gargotes, un peu comme si on avait déjà la Coupe d’Afrique entre les mains. La foule criait : « Ça y est, la corruption, c’est fini ! L’injustice, c’est terminé ! L’ethnocentrisme a disparu ! La médiocrité, carton rouge ! Les petites combines ?
Oubliées ! On nous promet même une boussole pour mieux gérer l’injustice, un redoutable joueur de “FC United Injustice” »

Très vite, la junte endosse un nouveau maillot et se baptise “CNRD FC”, censée affronter et terrasser l’adversaire tant redouté : “FC United Injustice”. On se disait : « Ils vont les balayer, c’est sûr ! » Sauf que, tel un plat de lafidi trop vite avalé, l’euphorie retombe aussitôt. Les pratiques douteuses s’accumulent, et la foule, d’abord conquise, commence à se dire : « Euh… Vous êtes sûrs de jouer dans notre camp ? »

Première mi-temps : l’espoir

Au départ, c’est la fiesta. Coach Doumbouya, dans son rôle d’entraîneur, prend le micro : « On va vous montrer une équipe de rêve ! Finies la corruption, et l’injustice : nous serons au-dessus de tout soupçon, même l’arbitre ne pourra plus tricher ! » Les supporters exultent, comme si Serhou Guirassy venait de planter le but du siècle. On ouvre les bouteilles de soda, les banjis et les trésors, les bars remplis à Pergola, on danse la sékoumba dans les gradins. Nous autres oustazes, on ouvre les Vinto et les Fanta. Le Colonel promet, main sur le cœur, le Coran, que lui et ses joueurs ne marqueront jamais de but contre leur propre camp-pardon, qu’ils ne se présenteront à aucune élection. Bref, une « transition » censée durer 90 minutes, et zou, on rentre à la maison en célébrant la victoire… juste besoin d’un petit match nul.

Mais la vérité, c’est qu’au coup de sifflet…

Hop, le match commence, et on s’attend à ce que le Syli national — ou plutôt le “CNRD FC” — nous régale d’un jeu spectaculaire. Sauf qu’au bout de dix minutes à peine, on voit ressurgir les redoutables joueurs de FC United Injustice : la corruption, la mauvaise gouvernance, la médiocrité, l’ethnocentrisme (le fameux numéro 10), et la répression sanglante (le numéro 9, un “attaquant” ayant causé plus de 55 000 morts lors de la “Coupe de Camp Boiro”, plus de 250 morts lors du massacre du Stade du 28-Septembre, et plus de 500 morts pendant la “coupe” du RPG orchestrée par le “professeur Daddy de la Sorbonne” — lequel, au demeurant, n’a jamais eu d’étudiant). Tous continuent de dribbler impunément dans notre moitié de terrain.

Pire encore, certains joueurs de CNRD FC, censés stopper ces dérives, passent leur temps à se faire des passes plus que douteuses. Et voilà qu’en prime, le numéro 9 Mohamed Béavogui, recruté depuis l’Italie (dans le “club de Rome”) pour faire gagner l’équipe, se retrouve carrément mis sur le banc — puis carrément hors du stade — par le capitaine-entraîneur et arbitre Laye Mady. Les supporters, médusés, s’écrient : « Hé, coach ! Capitaine ! Arbitre autoproclamé ! Le colonel Laye Mady, c’est quoi ce cinéma ? On vous avait choisis pour nous sortir du pétrin, pas pour nous rejouer un vieux remake de comédie dramatique ! »

Le hic, c’est que pendant qu’on discute “nouveau départ” et “rupture”, on voit fleurir d’énormes affiches où Doumbouya sourit, plus grand que le portrait de Sékou Touré jadis. Des “mouvements de soutien” surgissent à Conakry, Faranah, Kankan, à Labé, à Nzérékoré, toujours pour louer “les actions salvatrices du président de la Transition”. On se croirait devant un sketch de Mamadou Thug, sauf que c’est notre réalité : tout le monde pressent que le petit-fils de Sékou Touré, Laye Mady, prépare un match retour où il serait le seul attaquant et le seul arbitre.

La corruption : VIP avec badge officiel

On nous avait promis que la CRIEF (la Cour de répression des infractions économiques et financières), comme le tireur de coup franc infaillible, allait frapper fort. Et oui, ça a cogné — mais essentiellement sur les ex-dignitaires du régime Condé et les politiques. Au début, paf, elle envoie un boulet, et le ballon est cadré. « But ! » pensent certains. Sauf que la balle tape le poteau, car on a vite découvert que la boussole censée être le guide de l’arbitre ne pointe que vers les hommes politiques. De plus, certains responsables nommés par la junte n’hésitent pas à abuser du système, telle une « oligarchie 2.0 » reprenant les vieilles pratiques, avec une immunité totale. Les nouvelles recrues de l’équipe CNRD FC passent au travers des filets quand on les accuse de pots-de-vin, comme si la VAR, « caméra de surveillance », n’était pas braquée sur tout le monde. Pendant ce temps, les « Nabaya Gâte » se promènent tranquillement à Conakry pour former les futures « jupettes » de l’administration, et des cadres tout juste nommés exhibent des diplômes douteux acquis à la terrasse de Dixinn ou dans les cybercafés à Paris et sur Internet. Pour effrayer les journalistes, on leur jette du piment au visage afin de les faire taire. Heureusement, un irréductible journaliste, « Abdoul Latif le très très très… » indépendant, ne se laisse pas impressionner. Plus on lui balance du piment, plus il écarquille les yeux pour nous montrer la réalité. Résultat : ça magouille, ça mouille, ça magouille, ça tripatouille et ça tripatouille allègrement, sans que la plupart des Guinéens y gagnent quoi que ce soit. Car : la boussole est en panne. La transition a alors perdu ses repères: KIDNAPPINGS, ASSASSINATS, NOMINATIONS FANTAISISTES, MAGOUILLES, NÉPOTISME, GABEGIE FINANCIÈRE, MUSÈLEMENT DES MÉDIAS, … DICTATURE PURE ET DURE. se sont tous donnés rendez-vous dans le désormais PARADOXAL PARADIS.

Du côté minier, ce n’est pas plus reluisant. Les chuchotements autour des juteux contrats de Simandou et de la bauxite évoquent un véritable « distributeur automatique » au profit de quelques puissants, transformant la richesse minière de la Guinée en une machine à cash personnelle pour ceux au pouvoir. Des deals se concluraient peut-être dans l’ombre, alors que, devant les caméras, on nous sert de jolis sourires. C’est comme si l’entraîneur, capitaine et arbitre de l’équipe CNRD FC misait contre son propre club via un ticket de Guinée Games, s’arrangeant pour prolonger la partie jusqu’à remporter le gros lot. L’histoire de « Simandou 2040 » murmure déjà que la junte resterait au moins jusqu’en 2026 pour « goûter » à la manne.

Les milliards de francs censés servir l’intérêt public semblent s’envoler via des contrats douteux, laissant les Guinéens encore plus désabusés. Pendant ce temps, au port autonome, l’odeur de l’argent est plus forte que jamais : on parle de 700 milliards de « tontines » partagées entre l’équipe CNRD FC et les douanes. Le citoyen lambda, lui, ne voit rien venir. Bizarrement, certains « M. Black » et « M. Kankalabé » parviennent à s’offrir des voitures, tandis que les « Tonton Kirikou Kaké » se font enrôler comme conseillers techniques et voler en hélicoptère comme pendant le temps de la FC CNDD.

Au final, on a la désagréable impression qu’une poignée de privilégiés continue de puiser dans les ressources nationales, un peu comme un « même système sous un nouveau costume » — laissant la majorité des Guinéens sur la touche, désenchantés par cette corruption endémique qui n’a de nouveau que le nom.

Les droits humains : la peur comme leitmotiv

Côté droits et libertés, on a parfois l’impression de revoir un vieux film des années Sékou Touré et du “Papa promesse” (lusine de bonbons et une tablette par étudiant). Les manifestations pacifiques se transforment en tirs de gaz lacrymogènes, voire en balles réelles. Des militants comme Foniké Mengué ou Billo Bah disparaissent sans laisser de trace, et la presse est muselée. Les radios privées sont fermées, Internet est coupé selon l’humeur du moment, et des projets de Constitution traînent comme un vieux dossier à l’administration. Au CNT, l’Elhadji est très occupé à peupler les ruines. Tantôt, on attend qu’une fille enceinte soit envoyée en Europe, tantôt qu’un autre soit envoyé au Ghana. Hélas, il travaille dur mais pas sur la constitution. Bref, le numéro 9 de FC United Injustice a frappé fort encore : en trois ans, plus de 60 jeunes ont été tués par balle pendant les manifestations pacifiques, et on parle de 300 assassinats à Zérékoré. Sans oublier les militaires assassinés et les tueries de la nuit. Malheureusement, le CNRD FC est mené au score.

Ne vous méprenez pas, nous, les Guinéens, avons développé une peau épaisse. Après tout, nous avons survécu aux moments de Kemoko Camara, et nous avons traversé une parade de régimes qui répétaient le même refrain : « Nous allons tout réparer ». Mais cette fois, les gens se demandent : le scénario est-il passé du drame à l’horreur ? Les citoyens ordinaires s’inquiètent des enlèvements, des membres de famille qui disparaissent, ou, dans certains cas, des balles qui frappent les manifestants en plein jour. C’est comme une rediffusion d’un spectacle que personne ne veut regarder, mais où nous sommes tous coincés dans le public—sans pop-corn en prime.

Tierno Monénembo, un romancier guinéen et critique virulent du régime militaire, a récemment déploré que « transition » soit devenu un euphémisme fatigué en Afrique de l’Ouest—une promesse en l’air qui se traduit rarement en véritable démocratie. Beaucoup en Guinée partagent sa frustration. Les citoyens vivent désormais dans une incertitude constante : les manifestations peuvent tourner au sanglant, les familles craignent que leurs proches ne disparaissent du jour au lendemain, et les leaders communautaires redoutent d’être étiquetés « ennemis de l’État ». La criminalité violente et les enlèvements ont augmenté, ajoutant au chaos. Cette peur, autrefois confinée aux époques autoritaires passées, est redevenue une partie intégrante de la vie quotidienne.

L’échéance du 31 décembre 2024… Vraiment ?

Les principales coalitions politiques et forces vives du pays brandissent la date fatidique du 31 décembre 2024, comme s’il s’agissait de la fin d’un match. « Après, on ne reconnaît plus la légitimité de la junte ! », clament-ils. C’est un peu comme quand M. Sow, le propriétaire d’une maison, donnait un préavis d’expulsion à un locataire qui n’a pas payé de loyer depuis plus de trois ans. C’est une position audacieuse – une position qui risque la confrontation, mais qui offre également au pays une dernière chance d’éviter un chaos plus profond. La grande question est la suivante : le colonel et ses complices prendront-ils même la peine de lire cet avis de date limite ? Ou vont-ils continuer à appuyer sur le bouton de répétition, en disant efficacement à tout le monde : « Nous descendrons du trajet… mais pas encore tout à fait… peut-être dans encore 24 mois… ou 48… ou 100 ? »

Pour les partis politiques et la société civile, la stratégie est claire : instaurer un gouvernement civil intérimaire pour gérer les élections dans un délai de moins de douze mois, guidé par une commission électorale indépendante réformée conformément aux meilleures pratiques. Quelqu’un, n’importe qui (mais pas le colonel !), pour diriger le spectacle avec équité.

Les demandes ne sont ni radicales ni irréalistes : respecter l’interdiction de la charte de transition existante pour les membres de la junte qui se présentent aux élections, restaurer les libertés des médias, libérer les prisonniers politiques et organiser des élections ouvertes et contrôlées au niveau international. Quelqu’un, n’importe qui (mais pas le colonel !), pour diriger le spectacle avec équité.

L’étonnante inaction internationale

Vous vous dites sûrement : « Où sont passés l’ONU, la CEDEAO ou l’UA ? Ils dorment ? » Bonne question. On voit bien quelques déclarations, des voyages diplomatiques, deux-trois injonctions, puis… plus rien. Chacun semble craindre de froisser la Guinée, un pays regorgeant de matières premières. Est-ce vraiment parce que tout le monde veut sa part du gâteau bauxite ? Ou craint-on une mainmise de la Chine ou de la Russie ? Quoi qu’il en soit, nous, petits Guinéens, attendons toujours un sérieux coup de sifflet pour arrêter la pièce de théâtre.

Idées pour arrêter cette comédie (ou tragédie ?)
Alors, comment faire pour que notre « transition » ne se transforme pas en série Netflix de 12 saisons ? Voici une petite liste :
1. Démission du gouvernement et création d’un gouvernement consensuel avec un civil à la tête
2. Libérer les détenus politiques et clarifier le sort des disparus
On ne bâtit pas un État de droit en jouant au gendarme invisible.
3. Rouvrir les médias fermés, garantir les libertés
Interdire la radio ou la télé critiques, c’est comme disqualifier un joueur parce qu’il marque un but contre vous.
4. Un vrai dialogue
Inviter tous les acteurs à la table, avec un médiateur extérieur (CEDEAO, Union Africaine, ONU), pour aboutir à un calendrier électoral sérieux. Stop aux cadres de dialogues bidon !
5. Adopter la Constitution et interdire définitivement la candidature des putschistes
Si la charte le prévoit, respectons-la. Pas de petite porte où un colonel prend le costume de « candidat du peuple ».
6. Organiser des élections, avec un organe électoral indépendant
Mieux vaut confier la supervision à un organisme neutre qu’à un ministère déjà chargé de saboter ou de manipuler (coucou le MATD).
7. Le colonel rend la tablette, prend ses valises et rentre à Paris
Peut-être qu’on lui redonnera une place dans l’ancien club FC Légionnaire où il jouait dans l’équipe 3, mais craignant d’être extradé après, il peut courir dans les bras de son mentor à Kigali où il envoie nos millions de dollars.

Pour un avenir moins « gougou »

Malgré tout, il y a encore de l’espoir. Le Guinéen est résilient : regardez les embouteillages légendaires de Conakry, on finit toujours par arriver à destination — même si c’est avec deux heures de retard. Notre pays est si riche (pas seulement en ressources minières, mais en talents, en jeunesse dynamique) qu’il mérite un vrai décollage.

On ne veut plus de transition qui se répète comme les séries de comédie populaire, où chaque saison ressemble à la précédente, sans fin. On veut une transition-conclusion : une passation pacifique, des institutions solides, et surtout la fin de cette ambiance de peur ou d’incertitude.

Et si, cette fois, on décrochait enfin la médaille d’or de la démocratie en Afrique de l’Ouest ? On en a assez d’être les « rois » de l’instabilité. Et si, au lieu d’un match nul et vide au Stade du 28-Septembre, on assistait à un vrai spectacle : celui d’une Guinée épanouie, gouvernée par le droit et le respect de ses citoyens.

On l’espère de tout cœur. Et on espère aussi que notre chauffeur de taxi-brousse, celui de la « route Le Prince », finira par vraiment nous déposer à destination — avant que le soleil ne se couche encore et que l’histoire ne se répète, inlassablement.

    Leave Your Comment