Lamine Keita alias Abega, 42 ans, a été arrêté en mars 1997, à Fria où il vivait, avant d’être placé sous mandat de dépôt le 7 avril 1997 à la Maison centrale de Conakry dans le dossier assassinat d’une femme dans les environs de 6h du matin à Fria. Condamné à la prison à vie, Lamine Keita Abega indique ne jamais avoir participé à un quelconque braquage ayant coûté la vie à une dame commerçante à Fria, ville industrielle située à 135 km de Conakry.
Pour la première fois depuis la survenue de cet évènement qui remonte en 1997, Lamine Keita Abega, qui a toujours clamé son innocence, raconte sa version des faits.
«Ils m’ont enlevé ma vie à moi aussi», lance, en pleurs, le détenu qui en veut aux policiers ayant mené l’enquête sur la mort de cette femme. « Quand la femme a été étranglée, les gendarmes chargés des enquêtes ont procédé à l’arrestation de tous les délinquants dans la cité. Ils m’ont arrêté chez moi dans les environs de 4h du matin, quatre jours après l’assassinat. Ils m’ont dit que c’est pour une vérification. Et c’est cette vérification qui a abouti à ma condamnation à perpétuité, alors que je ne connaissais rien dans cette histoire d’assassinat. Aussi, ces gendarmes ont été incapables d’apporter la moindre preuve qui justifie que m’incrimine », explique Lamine Keita Abega.
Aux dires du détenu Keita, les policiers ont élagué certaines preuves qui auraient pu le disculper. En ce sens qu’ils n’auraient pas pris de déclaration de certains témoins. « Ils ont bâclé l’enquête, parce qu’ils étaient persuadés d’avoir trouvé le coupable. Alors que j’avais des témoins qui pouvaient confirmer que je n’ai pas bougé ce jour de la maison », jure Abéga.
« A la gendarmerie, poursuit-il, on m’a demandé ce que je connais dans cet assassinat. J’ai répondu que je ne connais rien. Et c’est ce que j’ai dit dans toutes mes dépositions. Mais ils m’ont dit que c’est moi qui reçois tous les bandits venant de Conakry. Donc, que je suis bien placé pour connaitre l’auteur de ce crime. J’ai dit aux gendarmes que je ne connais rien dans cette affaire. J’ai été jugé et condamné sur cette déposition, sans aucune preuve », confie-t-il. Selon notre interlocuteur, les gendarmes qui ont procédé à l’arrestation des suspects ont finalement déféré 14 personnes au Parquet, et que c’est seulement 5 personnes qui ont été jugées, et 9 autres ont été purement et simplement libérées.
« Quand on nous a déférés à la Maison centrale de Conakry, on était au nombre de 14 personnes. Mais après deux ans de prison, les vrais coupables ont été libérés un à un, parce que leurs parents étaient bien placés à Fria et ils ont les moyens en plus des relations », révèle Lamine Abega.
« En 2000, les 5 personnes qui n’ont pas pu avoir l’argent pour sortir ont été jugées. Il y avait un petit parmi elles du nom du Moussa Camara, il est l’homonyme de Moussa Soulaire Camara. Il a été condamné à 20 ans, mais il n’a même pas fait 5 ans, il est sorti de prison. Moi j’ai été condamné à perpétuité. J’ai été condamné pour un crime que je n’ai pas commis, avec 22 ans passés en prison. C’est pourquoi je demande à la justice guinéenne de revoir mon cas. Mon père et ma mère sont décédés pendant que je suis en prison. Récemment, mon frère ainé aussi est décédé sans que je n’aie pu me recueillir sur leurs dépouilles. Mais Dieu est Grand », s’en remet Lamine Abega Keita, détenu à la Maison centrale de Conakry.
Abdoul Latif Diallo
