Parfois, il faut oser l’impossible. Et à Labé, le président de la Haute Autorité de la Communication (HAC), Boubacar Yacine Diallo, a pris sur lui de dispenser une leçon magistrale aux journalistes. Imaginez un instant un chef d’orchestre qui vous explique comment bien jouer de la trompette alors qu’il a oublié qu’il ne savait même pas lire une partition. Mais au moins, avec le président de la HAC, on peut dire qu’il a fait l’effort de se présenter comme le donneur de leçons dans ce grand théâtre qu’est la Guinée.
La scène s’est déroulée dans une atmosphère aussi sérieuse que festive, car il faut bien l’admettre, parler de liberté de la presse quand on est à la tête d’un appareil censé la museler, c’est déjà un exploit. « Les journalistes doivent faire bonne impression ! » s’est écrié le président, tout en ajoutant un « je suis contre la repénalisation » comme s’il venait de déclarer qu’il était contre l’esclavage. Un discours à faire pâlir les militants de la liberté d’expression. Mais attention, à condition que « des contraventions dissuasives » viennent remplacer les peines de prison. Le concept est un peu flou, mais dans ce domaine, ce n’est pas le flou qui manque.
Le sommet de la confusion a été atteint lorsqu’il a expliqué que le journaliste doit être « plus responsable que tout le monde », en particulier quand il parle des autres. Oh, mais bien sûr ! Qui d’autre, si ce n’est un journaliste, peut se permettre de faire des erreurs sans en assumer les conséquences ? De toute façon, les journalistes « malfrats », ces infâmes personnagesqu’il souhaite bannir, sont ceux qui commettent des fautes aussi terribles que de diffamer, insulter et calomnier. Une notion étrange de la liberté de la presse, quand on y pense. Mais le président a raison , c’est très important de protéger la réputation des personnes dont les actions sont irréprochables, et d’ajouter quelques amendes salées au passage. La presse n’a pas à faire son travail, elle doit uniquement se plier aux directives du pouvoir en place.
Finalement, dans son discours digne d’un manuel de manipulation de masse, Boubacar Yacine Diallo a insisté pour que les journalistes honnêtes dénoncent leurs « mauvais confrères ». À Labé, où les presses tournent déjà au ralenti, la déclaration a eu un effet aussi rafraîchissant que la pluie de décembre. Mais qui sont ces journalistes malfrats ? Est-ce un mythe, un spectre, ou une simple métaphore ? À chacun de juger.
Abdoul Latif Diallo
Journaliste d’investigation
Très très indépendant