En Guinée, chaque dictateur trouve un homme providentiel, un artisan de l’ombre chargé de polir, maquiller et justifier l’injustifiable.
Sous Alpha Condé, ce rôle prestigieux avait été confié à Sidy Souleymane N’Diaye, un magistrat brillant, érudit des textes de loi, qui pourtant avait mis son intelligence au service du chaos.
C’est lui qui, armé de sa plume acérée, dénichait dans les méandres juridiques les arguments pour rendre acceptables les abus et exactions de son patron.
Mais depuis que le Colonel Mamadi Doumbouya a pris les rênes du pays, une étoile plus sombre brille celle de Fallou Doumbouya, nouveau procureur de la République.
Dans une ironie que même les scénaristes les plus audacieux n’auraient pu imaginer, Fallou s’est transformé en un personnage qui rappelle étrangement Monsieur Kaplan, l’homme de main redoutable de Raymond Reddington dans Blacklist.
À l’écran, Kaplan efface les traces des crimes de son patron. En Guinée, Fallou Doumbouya, alias “Monsieur Kaplan”, s’est fait le nettoyeur des scandales d’un autre Doumbouya.
Son rôle , est de normaliser l’anormal. Kidnappings, disparitions inexpliquées d’opposants politiques et journalistes , intimidations savamment orchestrées , tout cela passe par les mains expertes de ce procureur pas comme les autres.
Lorsqu’un acteur de la vie politique s’évapore subitement, c’est avec une maestria hypocrite que Monsieur Kaplan fait mine de s’en inquiéter, avec ses communiqué bidon , organisant des recherches bidon tout en sachant parfaitement où se trouve le “disparu”. En réalité, il est l’architecte de ces disparitions, le garant d’une oppression huilée.
Avec un aplomb qui force le respect dans l’ignominie, Fallou Doumbouya manie les textes de loi comme un artisan manierait ses outils.
Cela fait plus de trois mois qu’on nous amuse avec une prétendue enquête pour retrouver Foniké, Bilo, et le colonel Célestin. Mais depuis le dernier communiqué, silence radio. L’évolution de l’enquête ? Mystère ! Entre-temps, on apprend que le colonel est mort, mais pas un mot du procureur. Maintenant, c’est au tour de Marouane d’entrer dans le grand théâtre de l’inaction.
Là où le commun des mortels voit une Constitution, lui y voit un manuel d’instruction pour couvrir l’autoritarisme. Les notions de justice, d’équité, et de respect des droits humains ? Elles sont soigneusement pliées, emballées et jetées à la rivière, pendant qu’il orchestre avec froideur l’effacement des preuves.
Dans cette tragédie déguisée en farce juridique, Fallou Doumbouya incarne une figure incontournable de la République des paradoxes. Il est à la fois procureur et juge, complice et accusateur, prédateur et enquêteur.
Son talent ? Faire croire qu’il sert la justice alors qu’il ne sert qu’un homme. Et dans ce jeu de dupes, le peuple observe, las, un spectacle qui oscille entre l’absurde et l’effrayant.
À ce rythme, peut-être qu’un jour, Fallou Doumbouya se retrouvera-t-il dans les pages de l’histoire, non pas comme un homme de justice, mais comme le parfait artisan de l’effacement des libertés.
Mais que lui importe ? Après tout, dans sa République des ombres, ce n’est pas la lumière qui guide les pas, mais l’obscurité d’une loyauté mal placée.
Ça te rattrapera un jour
Abdoul Latif Diallo
Journaliste d’investigation
Très très indépendant