Pourtant, cette filière agricole est la mieux organisée du pays, avec plus de 35 000 membres, dont 69 % de femmes.
Dans le domaine agricole, c’est la seule filière dont la Guinée peut être fière, car grâce à sa production, le pays n’importe presque pas de pommes de terre.
Si cette filière était au centre des priorités de l’ancien ministre de l’Agriculture, Nagnalen, l’actuel ministre, Félix Lamah, est en train de détruire ce secteur, soit par incompétence, soit par mauvaise foi.
En effet, l’explosion du dépôt de stockage de carburant à Kaloum a eu un impact dévastateur sur le secteur de la pomme de terre en Guinée.
Les conséquences de cet incendie sur les producteurs, notamment de pommes de terre, ont été aggravées par les premières mesures prises officiellement par les autorités.
Ces mesures, basées uniquement sur les réalités urbaines, n’ont pas permis aux agriculteurs, petits et grands, d’accéder aux faibles quantités disponibles dans les stations-service. En effet, le gouvernement a interdit les ventes de carburant dans les bidons (obligeant ainsi à se rendre à la station avec son engin), interdit les ventes dans les marchés parallèles, et imposé une limitation du nombre de litres pouvant être vendus à un même client.
L’interdiction de la vente en bidons a affecté tous les agriculteurs qui, avant l’explosion, achetaient exclusivement de cette manière en raison de la difficulté, voire de l’impossibilité, de transporter leurs engins agricoles (motopompes, tracteurs, moissonneuses).
Dans certains cas, les agriculteurs ont dû payer des montants supplémentaires pour obtenir la clémence des agents de sécurité et des pompistes dans les stations.
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La limitation du nombre de litres par client a gravement affecté les grands producteurs, qui ont besoin de 100 à plus de 200 litres de gasoil par jour (certains allant jusqu’à 300 ou 500 litres par jour). La limitation à 20 litres par service a constitué un obstacle majeur à leur accès au carburant indispensable pour la production en contre-saison.
Les différentes tentatives de solution mises en œuvre par la Fédération, le ministère de l’Agriculture, et la Chambre Nationale d’Agriculture ont toutes échoué.
En désespoir de cause, les producteurs de pommes de terre ont décidé de mettre leurs ressources en commun pour faire venir une citerne de carburant du Sénégal, situé à peu près à la même distance que Conakry. Les fonds ont été rapidement mobilisés, une citerne a été achetée et dirigée vers la Guinée.
Malheureusement, aux frontières guinéennes, conformément aux règlements habituels et sans tenir compte des circonstances de l’explosion, les services de douane ont refusé l’entrée de la citerne, entraînant une perte supplémentaire pour les producteurs, notamment les plus grands.
Informé de la situation, le ministre de l’Agriculture de l’époque, Nagnalen, qui plaçait la production de tubercules au centre de ses priorités, s’est fortement impliqué auprès de ses homologues compétents pour obtenir une exception pour les agriculteurs.
Mais sur le terrain, rien n’a changé en faveur des producteurs. Le ministre s’est même déplacé pour constater les dégâts, mais il n’a pas pu faire grand-chose pour atténuer leurs pertes.
Depuis sa nomination, le ministre Félix Lamah ne s’est jamais rendu auprès des producteurs de pommes de terre et ne répond même pas aux différents courriers que la filière lui adresse. Et refuse catégoriquement d’orienter les subventions destinées aux producteurs de pommes de terres.
Si le président de la République ne prend pas de dispositions pour soutenir les producteurs de pommes de terre, la Guinée sera bientôt contrainte d’importer ce produit à un prix bien supérieur à la normale.
Abdoul Latif Diallo
Journaliste d’investigation
Très très indépendant