Un grand juriste guinéen m’a dit un jour : « Si l’on crée une cour de répression d’enrichissement illicite Guinée, tous les Guinéens qui ont de près ou de loin touché à la chose publique, iront en prison. Et , on aura plus personne dans les bureaux de l’administration.» N’est-ce pas une réalité?
Sans prétendre donner une quelconque leçon, nous proposons ici quelques éléments de réflexion.
Ainsi donc, il faut oser le dire ! En Guinée, les vautours reviennent toujours rôder au tour des poulaillers qu’ils ont déjà vidés de leurs contenus sous le regard impuissant de la poule. On en est là. Hélas !! Kassory Fofana est le nouveau PM du gouvernement Alpha CONDE. Celui dont le détournement de fonds,, supposé ou réelle, a été qualifié de spectaculaire à un moment où bon nombre de Guinéens ne pouvaient imaginer qu’on puisse détourner autant d’argent et sortir du pays indemne. On parlait en 2004 d’une bagatelle de 274 milliards de francs guinéens dérobés des caisses de l’Etat par le ministre de l’Economie et des finances d’alors Ibrahima Kasory Fofana. ( en tout cas c’est ce qui se dit, ce n’est qu’une présomption). C’était le Jackpot sous l’ère Conté. Et, comme si cela ne suffisait pas, il revient plus fort qu’auparavant . N’est-ce pas déjà en pôle position pour succéder à Alpha Condé ?
Bizarrement, l’homme est apprécié par beaucoup de Guinéens. Peut être qu’on trouve normal de détourner des fonds en Guinée, malheureusement. Comme quoi ce sont les voleurs qui sont récompensés , adulés, reçus en fanfare partout où ils passent. Les travailleurs aux oubliettes ou qualifiés tout simplement de maudits.
Si certains politiques ont une popularité qui ne dit pas son nom aujourd’hui, je dirais aussi que c’est normal de s’accaparer des derniers publics au grand dam des citoyens. Pour y arriver, il faut juste concilier détournement de la chose publique et la politique.
Sans citer d’autres noms car la liste serait tout simplement kilométrique, ils sont déjà connus de tous, tous à la tête des partis politiques.
La loi nous interdit néanmoins de rendre un verdict, car nous n’avons pas la qualité de juger . Le principe de la présomption d’innocence voudrait qu’on s’abstienne de culpabiliser qui que se soit.
Puisque dans sa définition commune :« La présomption d’innocence signifie qu’un individu, même suspecté de la commission d’une infraction, ne peut être considéré comme coupable avant d’en avoir été jugé par un tribunal ». Malheureusement, en Guinée, il n’y a aucune volonté politique de dire qui a fait ou qui a pris quoi.
Et si l’on adoptait le modèle sénégalais. Celui consistant à créer une Cour de répression de l’Enrichissement Illicite en Guinée.
Pour rappel, la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), une juridiction spéciale sénégalaise, condamnait en 2015 Karim Wade, fils de l’ancien président Sénégalais Abdoulaye Wade, à une peine de six ans d’emprisonnement et à une amende de 138 milliards de francs CFA (209 millions d’euros).
Il était accusé d’avoir illégalement acquis 178 millions d’euros par le biais de montages financiers complexes du temps où il était conseiller puis ministre dans le gouvernement de son père.
Le domaine de compétence de cette cour a été limitativement et soigneusement circonscrit à l’article 163 bis de notre Code pénal sénégalais . En vertu de ce texte, la cour a compétence pour juger les personnes exécutant une mission d’intérêt général, notamment les titulaires d’une fonction gouvernementale : Premier ministre et les ministres soupçonnés d’enrichissement illicite.
Enrichissement illicite, qu’ est-ce que c’est?
L’article 776 du code pénal guinéen dispose selon ces termes «L’enrichissement de tout titulaire d’un mandat public électif ou d’une fonction gouvernementale, de tout magistrat, agent civil ou militaire de l’Etat, ou d’une collectivité publique, d’une personne revêtue d’un mandat public, d’un dépositaire public ou officier public ou ministériel…est puni d’un emprisonnement de 3 à 10 ans et d’une amende au moins égale au montant de l’enrichissement et pouvant être porté au double de ce montant. Le délit d’enrichissement illicite est constitué lorsque, sur simple mise en demeure, une des personnes désignées ci-dessus, se trouve dans l’impossibilité de justifier l’origine licite des ressources qui lui permettent d’être en possession d’un patrimoine ou de mener un train de vie sans rapport avec ses revenus légaux»
C’est une infraction assez atypique dans sa constitution, car il suffit que la personne soupçonnée d’enrichissement ne soit pas en mesure de prouver l’origine licite de son patrimoine ou de son train de vie, pour que l’infraction soit constituée.
En de termes beaucoup plus simples, l’enrichissement illicite suppose une infraction de base ayant permis de s’enrichir illégalement. Ainsi, c’est à la réponse non justificative de la licéité du patrimoine que devrait se constituer alors le délit d’enrichissement illicite.
Dans sa constitution, il est un élément important, c’est l’impossibilité de prouver l’origine licite de son patrimoine ou de son train de vie, ce qui suppose que la personne a acquis un patrimoine de manière illicite, c’est-à-dire d’une façon qui n’est pas permise. Cela laisse entendre que la personne a commis une infraction à caractère économique ou financier (détournement de deniers publics, corruption, blanchiment de capitaux) en amont, ce qui rend d’ailleurs illicite l’origine de son patrimoine, en aval.
Il faut donc arriver à prouver l’origine de nos biens . Une tâche ardue voir impossible pour la plus part de nos cadres et politiques.
La chose publique est ainsi distribuée entre ceux qui y ont accès.
Le modèle de réussite en Guinée serait , d’occuper un poste important, faire du denier public son bien personnel , être un politique véreux , chercher des parrains haut placés , empocher les investissements destinés au développement, partir un moment hors du pays , revenir avec les moyens pour créer un parti politique avec le plus souvent moins de 1% aux élections parce qu’on aura déjà abusé de la confiance de la majorité des Guinéens mais comme on s’était déjà fait suffisamment de relations, détourner suffisamment de fonds publics et en plus des alliances lors des élections, on revient encore plus fort. La Réussite en Guinée viendrait donc de notre capacité à » prendre la chose publique » comme on aime le dire le dire en Guinée.
Comme dirait l’autre : « La Guinée sera ce que les Guinéens (e) voudront qu’elle soit. »
Par Simley