Conakry – Une affaire aux allures de scandale d’État secoue actuellement la Société Guinéenne de Pétrole (SGP). Pas moins de 1,84 million de litres de carburant impropre à la consommation, soit l’équivalent de 22 milliards de francs guinéens, ont été détournés dans des conditions troubles. Plusieurs cadres de la société, ainsi que d’autres responsables impliqués dans la gestion du carburant, sont actuellement auditionnés par la gendarmerie. L’un d’eux a été placé en garde à vue depuis vendredi.
L’affaire trouve son origine dans l’incendie du dépôt de Coronthie, survenu en décembre 2023. À la suite du sinistre, une partie du carburant stocké, bien que non consumée par les flammes, avait été exposée à une chaleur extrême, entraînant son altération. Les experts de Veritas, mandatés pour évaluer la qualité du carburant, avaient alors conclu à son caractère impropre à la consommation et recommandé sa destruction.
Dans ce cadre, la SGP avait fait appel à la société prestataire ENACO pour procéder à l’élimination du carburant toxique. Mais au lieu d’être détruit, ce carburant a été détourné, puis réinjecté frauduleusement dans le circuit de distribution.
L’enquête révèle un modus operandi bien rodé. Dans un premier temps, quatre citernes de 40 000 litres chacune ont été chargées sous prétexte d’approvisionner une usine située à Dubréka, dont les besoins urgents en carburant auraient justifié cette opération. Mais au lieu de rejoindre l’usine, les camions ont été suivis par filature par les gendarmes chargés de la sécurité du site jusqu’à plusieurs stations-service de Kaloum, où ils ont été dépotés en toute discrétion.
Ce premier détournement n’était en réalité que la partie émergée de l’iceberg. Selon les enquêteurs, ce sont en tout 46 citernes soit plus de 1,84 million de litres qui ont été illégalement extraites du dépôt sous la supervision de cadres haut placés.
L’affaire a pris une tournure encore plus dramatique avec la découverte, il y a quelques jours, de quatre corps au sein du dépôt de Coronthie. Selon les premiers éléments de l’enquête, ces individus auraient perdu la vie lors d’une opération clandestine de vol de carburant.
C’est ce drame qui a poussé les autorités à mener une enquête approfondie sur le vol de carburant.
À ce stade, l’enquête, menée tambour battant par la gendarmerie, s’oriente vers une qualification criminelle des faits. Les auditions se poursuivent afin d’identifier tous les responsables impliqués dans cette fraude massive, qui pourrait avoir des répercussions à plusieurs niveaux de l’administration et du secteur pétrolier guinéen.
Pour l’heure, par souci de confidentialité et afin de ne pas entraver l’enquête, nous nous abstenons de divulguer l’identité des personnes mises en cause.
Depecheguinee continue de suivre cette affaire et reviendra avec de nouvelles révélations dans ses prochaines éditions
Affaire à suivre.
Abdoul latif Diallo
Journaliste d’investigation
Très très indépendant